Ouverture de la Saison 19/20 

Marina Rebeka en Norma , Karine Deshayes  Adalgise. Le triomphe absolu. 

 Norma opéra mythique , chef d’œuvre du bel canto et de l’émotion lyrique devant l’éternel, dont tout mélomane et surtout l’amateur d’opéra a entendu sonner le titre , déplace le monde par la rareté de ses représentations dues aux grandes difficultés de réunir un plateau qui puisse affronter sans pâlir devant la légende. En sachant que la première Norma de l’histoire Giudita Pasta 1797-1865 fut elle même une légende…Comme Giulia Grisi aux Italiens à Pars en 1835 et Maria Callas encore insurpassé aujourd’hui !

La Callas y trouva sa gloire dès 1954 et sa roche tarpéienne à Rome le soir  du 4 janvier 1958  ) la suite d’une extinction de voix. Caballé , Sutherland sont loin et Hasmik Papian ne le chante plus depuis 2014.

 Avec Tristan et Isolde de Wagner , pas tout à fait pour les mêmes motifs, cette tragédie lyrique pompeuse et solennelle datant de 1832 creuse un peu l’estomac de tout directeur d’opéra. 

L’œuvre de Vincenzo Bellini qui mourut en France à Puteaux[1],  à l’âge de trente trois ans, n’avait pas été présente sur la scène toulousaine depuis quarante ans.

La somptueuse et cruelle Prêtresse gauloise fait partie des chevaux de bataille des grands sopranos bel cantistes. Nombre de ces dames s’y sont risqué dans les premières années du 21e siècle[2] sans véritablement briser les miroirs d’antan !

Seule ou à peu près Anna Netrebko , excellente et superbe en bien des grands rôles du répertoire[3] , fait à peu près figure dans cette partie . Personnage et rôle  exigeant non seulement des qualités et moyens vocaux naturels et exceptionnels , mais un engagement dramatique à la hauteur d’une tragédienne de théâtre de haute voltige.

C’est assez dire que les représentations de Toulouse étaient attendues avec espoir , d’autant que le rôle d’ Adalgise , la compagne de Norma  revient à Karine Deshayes venue sur la même scène en juin pour une superbe Charlotte de Werther.

Le livret de Felice Romani se réfère à une tragédie, Norma ou l’infanticide  [4]de l’auteur français Alexandre Soumet né en 1786 à Castelnaudary , académicien, bibliothécaire et membre du Cénacle [5]aux côtés de Alexandre Dumas, Prosper Mérimée et tant d’autres dont Alfred de Musset.

Je vous laisse regarder le livret que vous pouvez facilement lire sur Internet ou dans le numéro29 de l’Avant scène opéra.

La mise en scène de Anne Delbée et les décors d’Abel Orain  sont une réussite. La note majeur en couleur , le bleu profond de la nuit et les déplacements des personnages comme des rôles principaux semblent venir d’un autre monde et nous raconter un rêve tragique qui vient de s’achever. Tous semblent se mouvoir dans un passé indéfini. Seul comptent l’amour trahi ,la fierté, l’honneur , et la vertu bafoués de Norma,  en charge de l’Exemple dans ce monde “religieux à l’extrême“ puisque dominé par La Rome Impériale ! L’amour écartelé ,désespéré de Pollione le romain, pour deux femmes Norma et Adalgise vient habilement en contre point humain servir la fin si impressionnante et si bien traitée ici par une grandeur mesurée , cependant opulente, de la mise en espace et en scène de l’action .

Les costumes de Mine Vergez  , très appropriés mettent en valeur les interprètes que l’on sent à l’aise pour s’exprimer.

Le chef d’orchestre Gianpaolo Bisanti   a insufflé à l’orchestre du Capitole un esprit italien et bel cantiste chantant , puissant, emporté et brûlant sans outrance , tout naturellement beau et tendu d’émotion .

La Norma tant attendue Marina Rebeka a  comblé tous les espoirs  . Depuis sa révélation à Salzbourg en 2009 elle a conquis les scènes internationales avec Rossini, Mozart et Verdi ,de la Scala de Milan au Carnegie Hall de New York. Tragédienne de  trempe dotée de  souplesse, vocalement  versatile, musicienne accomplie, elle possède la beauté , l’allure et la dimension de ce rôle dominateur de maitresse femme apparemment sans faille. Qui prise à son propre sentiment de l’honneur se montre  capable de monter au bûcher afin d’expier sa faute ! Tout son  être ,  la voix et l’âme de Marina Rebeka sont habitées par ce personnage majestueux , animé d’une violence intérieure dominée et fascinante. Amplitude, et largeur de l’ambitus, légato impeccable, justesse de l’expression et transmission des états de sentiments sans débordement. Certes le timbre jeune manque d’ une teinte pathétique capable de devenir inoubliable, mais le Bel Canto est ici superbement accompli avec force et abandon contrôlé . 

Année superbe que 2019 pour Karine Deshayes ? Charlotte (Werther), Elvira [6](Don Giovanni) et Adalgise à nouveau à  Toulouse. Une interprétation lucide et intense sur le plan du caractère et de l’expression des sentiments , musicalement remarquable , vocalement raffinée . La future prêtresse qui, sans le vouloir, déclenche le drame en acquiesçant , malgré sa peur et ses angoisses à l’amour de Pollione-l ‘amant et le père des enfants de Norma-la vestale sacrilège . Adalgise se place noblement aux côtés de celle dont elle doit craindre la colère tandis qu’elle en ignore la faute.  Cette ambiguïté Karine Dehayes  en trouve les rouages pour en taduire à la fois la fatalité, le désir et ensuite l’amertume qui parviennent à habiter son chant de manière noble et naturelle. Le rôle d’Adalgise exige tant de qualités  d’équilibre et tant de générosité de sentiment et de renoncement à soi, que l’on est heureux de cette cette image habitée de douleur masquée puis peu à peu apaisée prête à accomplir son devoir.

Orovèse  (père de Norma) est campé avec grandeur et force par Balint Szabo. Sa scène avec Norma à la fin de l’opéra atteint un très haut niveau tant sur le plan scènique que vocal.

Le Pollione de Airam Hernandez est excellent .

Les Choeurs du Capitole comme l’orchestre complètent avec excellence cette production e tous points magistrale, pour une œuvre du répertoire que l’on redécouvre cette fois , à Toulouse, l’un de meilleurs théâtre d’Europe, avec de nouveaux charmes et une prégnante émotion qui a tenu le public, le plateau et les interprètes unis dans un même bonheur. Magnifique

Amalthée



[1] Près de Paris

[2] la plus incroyable ayant été la chanteuse “baroque“ Cecilia Bartoli.

[3] Elle n’en a chanté que le Casta Diva.

[4] représenté à l’Odéon en 1831 le 6 avril. Il avait aussi écrit le Siège de Corinthe en Collaboration avec Luiggi Balocchi dont Rossini écrivit l’opéra éponyme.

[5] Mouvement et cercle littéraire né à partir de La Muse Française et ensuite au Salon de l’Arsenal de 1824 qui autour de Victor Hugo rassembla poètes et auteur se réclamant du romantisme français.

[6] Toulouse et Orange

 

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

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