Tedi Papavrami

 Fugue pour Violon seul

 Éditions Robert Laffont

 La couverture déjà donne le ton.Le jeune homme en pull noir très strict ,cheveux ultra courts très  bruns ,envisage  le lecteur les yeux dans les yeux.

Le sourire pourrait s'  esquisser en quelques secondes...mais la  mélancolie  domine en  ces yeux  révélant un caractère pugnace et ardent.Cependant l'expression fugitive fixée à jamais demeure  pudique et mystérieuse . 

 

Contraste  bien venu, entre deux doigts le  virtuose tient un minuscule violon pointe en bas,tel un joujou ou un bijou.Il a laissé l'instrument roi dans sa loge.

Le violon dans l'existence,dans le destin et dans l'avenir de Tedi Papavrami est inscrit comme l'Alpha et l'Omega.

L'humour et la discrétion vont de pair.Le titre est vrai sans fuite ni fioritures ou manières :Fugue pour violon seul.

Le climat et l'objet du livre sont et demeurent La Musique et le Violon.

Nous attendons sans doute une histoire,un genre de grand reportage article dans le style de Gala et des reportages sur têtes couronnées et Jet société ".

Parfois avec les Virtuoses...Nous les occidentaux plutôt frivoles,comme le disent  les artistes venus d'une tradition ancrée dans le peuple.Certains voient dans un tel ouvrage quelque chose comme un recueil des anecdotes de petit garçon sage...deux ou trois caprices bien vus mis en exergue et puis la révélation d'une passion surgie innée!

Il en fleurit de ces hagiographies sirupeuses!

Mais ici nous entrons dans un monde de feu et de glace.Une enfance dans le paradis“totalitaire de l'oncle Enver Hoxha[1] avec ses clés truquées,ses affabulations,son régime de béton armé et son peuple triomphant qui découvrit un jour ,très tard après des milliers de victimes...qu'il était en cage.

Tedi Papavrami sait nous dire ce qu'ils vécurent de l'intérieur d'eux mêmes.Il en fallait peu pour que l'on vous considère comme non prolétaire!Comme “bourgeois“.Ennemis!

Le grand père médecin a fait ses études à Paris. Dodo.Inimitable et incomparable.Bon, tenace  , exigeant avec soi-même  et sévère.Humain mais politiquement incorrect pour les gens en place.Un personnage de roman vrai comme le Pain et l'huile des arbres torturés de soleil et d'orages et qui donnent à nourrir et  la vie envers et contre tout.Un être sublime  que seuls les personnes de mon genre rencontrent  dans une vie!

Le  père Violoniste et professeur de Violon et de musique. Il se contente du communisme...Et en partira en jouant sa vie avec un courage superbe  .Il a étudié à Prague.mais il a une certaine idée de la valeur comparée,du travail et du courage  des hommes! Il fera trois ou quatre années de relégation à des travaux “pratiques “et puis reviendra...Enseigner la musique et le  violon.La maman sait tant de choses et si bien travailler...Elle subira aussi les reproches du régime   l  Et puis ...'Une famille balkanique... au merveilleux sens du terme, des oncles, de tantes, des cousins chaleureux ou lointains parfois.Mais à l'image d'une vieille et coutumière manière de vivre dans un pays béni des Dieux.Un ciel d'azur une mer de turquoise,des orangers ,des montagnes de calcaires et des côtes en dentelles.Une image sauvage de l'Italie des César!Un peuple souriant qui s'est terré durant cinq siècles d'occupation ottomane...Et puis après la seconde guerre mondiale fut coupé du reste du monde.

L'enfant ne sait rien de tout cela.l'enfant se reconnait avec ses défauts et ses amours délirantes. Accroché à son violon et obligé de travailler par son père qui se montre très très sévère.Une sévérité à la hauteur des ressources de son enfant... et pourtant...Il voudrait bien parfois lambiner le joli et charmant Tedi! Il tombe amoureux de Silva.Il a des chiens et des chats pour amis.Les mandariniers embaument dans le jardin chaud.Mais ne révélons rien.le récit est si beau.S bien écrit.Par moments si sombre et si proche de la tristesse sans remède..

Teddi Papavrami vint en France avec une bourse . Il entra premier au Conservatoire supérieur de Paris.À onze ans. Il faisait déjà carrière chez lui.Il sortit premier prix.

Alain Marion,Pierre Amoyal.Le souvenir de Christian Ferras.Autant de point lumineux dans le firmament de l' enfant prodige ,peu à peu policé,éduqué,devenant adulte bien avant l'âge et  qui dut souvent forcer son instinct à la rêverie et s'exercer,s'exercer ...

Comme l'écrivain  qui s'astreint à ses deux heures journalières de rédaction...Sinon!

Il n'écrira plus rien!

Tedi ne retourna pas en Albanie après son prix!

Il y eut les sévices et les coups portés à sa famille.Il se trouva que la maman était déjà avec lui et que le père vint les rejoindre.Devenus ennemis du peuple,ils tentèrent et parvinrent à l'impossible!Mais à quel Prix?

Il demeura en place.Là où le requerrait sa carrière et la nécessité de poursuivre son chemin. Par force!Par devoir envers lui-même et ses parents, car le travail intense dresse le caractère à devenir impassible.

Il refit un voyage bien plus tard et chercha la Maison...à Titana.Celle de son enfance dominée par des immeubles de style “est“,mais où ils étaient parvenus à demeurer comme par miracle tout au long de ses jeunes années.Une des vengeances du régime fut de la mettre en pièces...d'arracher les mandariniers..D'en extirper la vie et les souvenirs.

Une récompense admirable viendra couronner tant de sacrifice de tant de gens et de lui même et de ses parents.Le Prix Pablo de Sarasate décerné à Pamplone. 

Et puis son génie personnel,sa bonne tournure de caractère ont fait de ce jeune  étudiant qui quitta le lycée assez vite mais continua d'étudier  et surtout lire à perdre haleine...Même en faisant ses exercices de violon ! un excellent traducteur l' l'Albanais au français.

Ceux qui n'ont pas connu la guerre,les cataclysmes humains de toutes sortes devront relire certains passages tant le monde qu'il découvre est à nu et non pas délayé et digéré par les journalistes de tous bords.

Les première pages captivent  et retiennent l'attention,certes.Mais la suite concerne vraiment le lecteur et le captive.

Mieux, à la fin de chaque chapitre  un flashcode vous permet d'entendre un extrait de disque  édité par Outhere ,une oeuvre jouée par Tedi Papavrami.

 Qui a connu l'Albani ,même depuis la fissuration et la quasi disparition des dictatures communistes? Ayant voyagé de l'autre côté du rideau avant 1989 je peux vous affirmer que  , même si,nous avons visité  ces  “   Pays de l'est“[2],ou y avons même séjourné , l'Allemagne de l'est ou la Hongrie par exemple...'nous  contournions l'Albanie avec effroi  ! Nous ne tentions pas même d'apercevoir la frontière!Pour nous ce fut un No man's land!

Ce livre  écrit par l'artiste lui -même se situe par sa qualité littéraire comme par le fond dans la lignée des récits essentiels à ceux qui ne se soucient ni de la mode,ni du faire valoir factice.Comme tout artiste authentique  Tedi Papavrami chemine seul.

Le génie de l'interprète comme celui de l'écriture ou de la peinture  demande à être seul.Le sens du titre est sans doute doublement évocateur ici.

Je ne dis pas sans amis,sans moments de joyeuses réunion.Je pense à la nécessité impérieuse qui se trouve en lui de communiquer avec l'univers inspiré de la Création universelle.

Un texte profond et humain.Une belle plume.Un homme,un artiste révélé par la lettre et qui se cache encore un peu derrière ses notes...de musique.

À lire et à écouter absolument.

Amalthée

 

Tedi Papavrami

Fugue pour Violon seul

chez Robert Laffont

 

 

 



[1] Dictateur de l'Albanie archi communiste

[2] Un ou plusieurs et la Yougoslavie de Tito

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Hélène Cadouin
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