La Clemenza di Tito

 Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si l’on ne devait jamais mourir ![1]

 Composé en quelques semaines, alors que les répétitions  de la Flûte Enchantée (Die Zauberflöte) au théâtre an der Wien  ont commencé, la Clemenza di Tito est l’ultime opéra de Wolfgang Amadeus Mozart. C’est un opera seria.

Voici une trentaine d’années, il passait pour être de peu d’intérêt ! Pourtant Mozart est présent comme en toute ligne écrite de sa main. Et pour ceux et celles qui l’aiment la Clémence sonne, bouleversant,  comme l’Adieu.

 

6 septembre 1791. Théâtre National de Prague. Ce fut une première remarquable, un peu maussade, avec Leopold II empereur du Saint Empire venu recueillir la couronne de Bohème comme une formalité. Pour l’événement, la Cour a passé commande à Mozart en juillet. Il faut un livret. Avec modèle exemplaire  “ empereur“ de qualité  magnanime. On ressort quelque  vieille “feuille“ de Metastasio[2], dont Caterino Mazzolà   dégage le livret en le transposant de fond en comble. Ils ont deux mois pour tout faire ! Composition, mise en répétition, exécution.

Accueilli avec succès pour le public praguois toujours partisan de Mozart comme aux  Noces et Don Giovanni. L’impératrice Marie Louise , née  de Bourbon d’Espagne ,l’ aurait qualifié de  “porcheria tedesca‘[3] . Elle n’avait sans doute pas la culture de sa belle mère !

L’histoire remonte aux écrits de Suétone :

Titus empereur romain aime Bérénice[4] reine de Palestine depuis de longues années. La  logique politique et l’opposition des assemblées pèsent sur la décision de Titus d’aller  jusqu’au mariage. Et il renonce. Et renvoie Bérénice chez elle.

Vitellia estime que la place d’impératrice lui revient .Le mariage Titus-Bérénice  serait une insulte. Elle ourdit  avec des complices un complot. Et  Sesto-son amoureux transi- reçoit d’elle, l’ordre d’assassiner Titus. Ce qu’il accepte malgré son amitié extrême pour l’empereur son ami.

Il accomplit l’ordre  de Vitellia,  et ne se trompe de personne. Titus n’est pas mort.

Dans le même temps Titus renonçant à Bérénice, a demandé la main  de Servilia.Mais Annius et celle–ci s’aiment. Titus  informé de cet amour réciproque, décide donc d’épouser Vitellia.

Or le complot a abouti à l’incendie du Capitole.

Sesto prend le complot à sa charge et se présente devant le Sénat. Condamné il accepte son sort d’une âme forte. Titus ne parvient pas à le laisser aller à la mort. Il voudrait ne pas régner par la terreur. Vitellia,  devant tant de nobles sentiments se rend, avoue sa trahison. Titus pardonne à tous.

Toulouse reprenait le spectacle de 2012, venu de Marseille et Aix en Provence.
Une scène très stricte, mais déployé en architecture de noble et grande allure classique. Très  évocatrice, elle sert la pièce aux allures classiques à la perfection. La mise en scène de Daniel McVicar réalisée par Marie Lambert porte les acteurs à leur meilleure aisance pour un investissement majeur des rôles. La partition magnifiquement  et vivement dirigée par l’italien Attilio Cremonesi a sonné tel un véritable drame au souffle épique et tendu. Une rigueur souple des tempi très bien articulés, un élan d’enchainement  sans défaut qui fait avancer les chanteurs a leur rythme en respectant les nuances expressives et la marche de l’action à un niveau optimum.

Le   Titus de Jeremy  Ovenden  empreint de noblesse  élégante est  altier, nuancé de noblesse compatissante. Le timbre  de ténor authentique à la quinte juste et bien placée, l’ambitus coloré en nuances très variées.  La ligne parfaitement gainée ample et longue  Il maitrise son chant avec flexibilité, souplesse  pour une  expression brillante  et versatile de qualité instrumentale, expressive de sentiments et d’affects chers à Mozart. Se jouant des virtuosités que le genre oblige, le phrasé des airs s’accorde avec les récitatifs pour rendre  le caractère, l’intelligence et la grandeur du personnage.

Je suis moins enthousiaste pour la Vitellia  de Inga Kalna. Les aigus souffrent d’un manque de justesse difficile à ne pas détecter. Les passages de registres sont incertains. L ‘expression très tirée laisse entrevoir la faiblesse du souffle.

Les deux amis  le Sesto de Rachel Frenkel   et  Annio campé par Julie Bouliane,   sont  parfaits complices de talents. Deux superbes  voix, souples, tendres et fortes, avec de la réserve de puissance. Deux actrices possédant le don androgyne de l’allure et de l’expression. Phrasé et expressivité musicale et instrumentale. Elles tiennent le devant de la scène et conquièrent les cœurs par leur engagement et leur mesure parfaite du rôle confié. Bravo à ces deux belles jeunes cantatrices qui nous ont conquis.

La Soprano lyrique Sabina Puertolas qui vient de Saragosse a donné au rôle délicat de Servilia aplomb et ampleur peu courant et remarquables. Voix longue et énergique,  elle interprète le rôle délicat de celle qui accepte et refuse à la fois la main d’un empereur.  Elle met à cette délicate  expression toute la fierté et la nuance de respects indispensables tout en défendant avec ferveur et émotion palpable son amour pour Annio.

Enfin Aymeri Lefèvre  a chanté avec une grande élégance vocale le rôle de Publio. 

Une ultime soirée pour cette Saison remarquable au Capitole de Toulouse.

Amalthée

 



[1] Vauvenargues

[2] Auteur prolifique de livrets d’opera seria (opéras sérieux) dont nombre de compositeurs du 18E siècle ont bénéficié.

[3] Une cochonnerie allemande

[4] Voir Notre cher Jean Racine et sa pièce Bérénice et Corneille Tite et Bérénice Contemporaines 1670

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Hélène Cadouin
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