Philipp Maintz
Opéra de chambre d’après le roman d’Émile Zola
Thérèse Raquin
Il s’agit du troisième roman de Zola qui en tira une pièce que la critique esquinta joyeusement le qualificatif de putride fut accordé au genre de “roman naturaliste“,qualificatif voulu par son auteur, que l’on trouva en dessous de la réalité.
Mais Zola entendait aussi décrire l’état de saleté repoussante dans laquelle sur le plan moral et matériel étaient contraints de vivre une certaine partie de la population. État dont Haussmann plus tard tentera de masquer l’urgence, mais hélas pour donner à la capitale de beaux immeubles que nous admirons encore mais qui ne servirent pas au petit peuple. Celui des journaliers, des femmes seules abandonnées et autres en situation précaire. La grande bourgeoisie exécra Zola, cependant, même en appréciant peu certains de ses ouvrages, force est de constater qu’à la suite de Balzac plus large d’esprit et d’intelligence, il fut des premiers écrivains naturalistes certes, mais également social.[1]
Aujourd’hui après de nombreuses avancées dans les sujets tant littéraires que cinématographiques, on peut encore dire que la plume de Zola a trainé dans le ruisseau avec grandiloquence et sans beaucoup de psychologie réelle. Le roman naturaliste avec Germinal aura ensuite de bonnes raisons d’exister. On aime ou on aime pas! Cela existe.
Philipp Maintz né en 1977 à Aix la chapelle dont Thérèse est le deuxième opéra après Maldoror en 2010,créé à Munich, est estimé et très aimé à Salzbourg .
Synopsis
Un peu comme chez Wagner, l’histoire est racontée par les dialogues et sous entendue par la musique, alors que l’action met en exergue la dernière période,
Thérèse fille d’un militaire français en séjour en Afrique du nord[2] et d’une femme originaire du pays, est envoyée chez la soeur Madame Raquin, de son père en France. Elle a un fils Camille. Les deux enfants grandissent ensemble. Madame Raquin tient bientôt boutique à Paris, Thérèse la secondera au magasin. À leur majorité ,Camille et Thérèse se marient. Mariage de la“ carpe et du lapin“ . Camille plutôt de tempérament maladif face à Thérèse d’un caractère de flamme, voici un genre de mante religieuse qui ravage tout sur son passage. Elle ravagera la vie de ceux qui l’ont aimée , au lieu de les aimer à son tour.
Camille, lui travaille dans les Chemins de fer où il rencontre Laurent ,également employé mais aussi portraitiste et peintre.
Et, ce qui doit arriver , arrive. Laurent et Thérèse tombent dans le même lit. Pris d’un emballement des sens irrépressible. Mais les caractères se heurtent et en dehors des séances de lit la vie est compliquée.
La situation du ménage à trois devient insupportable à Thérèse… Qui exige de n’appartenir qu’à elle même et à Laurent sans contrainte. Ainsi Laurent noie Camille en le poussant dans le fleuve hors d’une barque.
Pas beaucoup de remords après l’ évènement. Mais un mariage de Laurent et Thérèse et tout le monde vit chez Madame Raquin qui en principe n’a rien compris à la mort de son fils.
Les scènes de violences se succèdent.
Et tout finit par la mort des amants qui s’entre suicide après avoir voulu chacun de leur côté s’assassiner tour à tour. L’une avec le poison, l'autre avec le couteau. Sordide solution à laquelle ils sont parvenus en se détestant tout en prenant un plaisir sexuel exponentiel évident .Au fil du temps de leurs amours sauvages ils tuent même le chat…
L’opéra en lui même ne manque pas d’intérêt, bien que le sujet soit des plus “au raz des pâquerettes“
Un ensemble de chambre avec accordéon classique ( très bien joué), ce sont des membres de la Philharmonie de la ville de Hambourg . Une partition tournée vers le fragmentisme musical dont les percussions constituent le fond , alors que les cordes se comptent sur les doigts d’une main. On trouve peu de lyrisme. Je n’ai pas entendu d’accompagnement vraiment positif des voix, mais une sorte de réponse voire des suggestions instrumentales aboutissant au spechgesang [3] si bien connu des compositeurs depuis Shönberg et Webern et les autres qui ont suivi.[4] Les deux principaux protagonistes , Marisol Montalvo une soprano ample au médium qui utilise ses aigus un peu trop souvent pour hurler et un contre-ténor Tim Severich plutôt haute contre-signifiant ainsi, sans doute, une virilité incapable de satisfaire les exigences sensuelles de sa femme-Sont parfaitement dans la peau des rôles respectifs. Mais hélas leur jeu théâtral est trop d’une seule pièce, manquant de nuances et de recul. Otto Katzameier , Laurent , baryton d’un excellent niveau , le seul à tirer son épingle du jeu. Il faut savoir que sa partition est seule a posséder un certain lyrisme et à retenir l’attention de l’auditeur. Excellent acteur il parvient à convaincre de la difficulté de sa situation malgré la passion qui le possède lui aussi. La distribution comprend également Renate Behle en Madame Raquin qui est bien dans son personnage.
La mise en espace a beaucoup d’imagination et de réalisme. Des tableaux de vidéos très belles et sur la scène des meubles de magasin de mercerie comme il en existait à la fin du 19e siècle.La durée de une heure un quart fait que l’on ne se déprend pas d’intérêt au cours de la séance.
Le chef d’orchestre Nicolas André que l’on découvre avec plaisir est l’ assistant de Kent Nagano à Hambourg.
La mise en scène très intelligente est de Georges Delmon
Les costumes de Marie Thérèse Jossen
Une coproduction avec l’opéra de Hambourg. qui donnera l’opéra en représentation au cours de la Saison 2019/2020
Amalthée