La Traviata de Verdi
Nous avons un peu joué à cache cache !
Alors que l’on annonçait Diana Damrau dans le rôle de Violetta et nous en étions ravi…
C’est à nouveau Emonela Jaho qui tint ce rôle titre après sa performance dans Butterfly sur cette même scène fin Juillet.
J’avais entendu et vu cette cantatrice à Vienne, dans le même rôle de Traviata, dans une mise en scène catastrophe qui ne la mettait pas en valeur. La voix m’avait semblée trop légère pour ce rôle et le jeu très sophistiqué.
Je ne reviens pas sur cette appréciation. Car malgré toute la mise en beauté de la dame due à de la mise en scène, le premier acte nous a révélé une voix bien lente, appliquée, peu passionnée et sans véritable gaine ni portamento.
Le Brindisi et le long monologue final qui son la pierre d’achoppement de ce rôle ont bien marché sur le plan théâtral et musical. Mais en ce qui concerne Emonela Jaho ce n’est en aucun cas un rôle lyrique pour sa voix. Elle n’en a pas le profil, ni le caractère pas plus que la versatilité et les nuances .Je m’explique. Le premier acte il faut de la force, de la violence passionnelle, du tempérament .Emonela Jaho force son naturel. Sa Traviata est d’entrée de jeu condamnée…aucune lueur d'espoir ! Ce qui prive le personnage de son ambiguité et de ses nuances subtiles.
Une prestation très aidée par la mise en scène avec un deuxième acte chanté dans la partition et un troisième acte très émouvant, mais en dehors des quelques minutes finales qui réclame l’énergie du désespoir les difficultés du rôle sont terminées.
Le public a aimé.
Pour le tenor en charge du rôle d’Alfredo, Francesco Meli, il ressemble à un chanteur de variétés. La gaine vocale assez cambrée, le portamento inexistant, le timbre est tout à fait neutre. Il envoie ses aigus, qui sont absolument quelconques, dans tous les sens, la prosodie est négligée. Il pleure bien dans les bras de son père (Placido Domingo) au deuxième acte…Mais hurle au troisième dans les oreilles de Violetta.
Le défi de la soirée et qui pesait lourd dans cette distribution, était la présence de l’ancien ténor devenu baryton Placido Domingo.
Il a déjà chanté Simon Boccanegra à Vienne pour ses cinquante ans de scène, Rigoletto à Parme…Il chante en baryton malgré une voix complètement “passée “ dans laquelle subsistent quelques phrases musicales. Du théâtre. Mais il a tant de plaisir à faire cela !
Et si cela plait au public !
En revanche la mise en scène de Louis Désiré a donné à cette représentation une allure de grand opéra. Flamboyant premier acte avec des mouvement d’acteurs parfaits. Une organisation des jeux parfaite.
Un immense miroir dans lequel passent les évocations du destin et des personnages avec les prémonitions. On joue avec ses reflets, ses espoirs et ses pensées. Le sort et le destin échangent avec la réalité du présent des messages livrés et partagés avec le public. On saisit tout dans le même temps que les mots, et, leur intonation se marie avec la fosse.
Une fosse excellemment occupée par l’orchestre National Bordeaux Aquitaine dont on connaît et redécouvre les magnifiques qualités de timbres solistes et de soutenu lyrique.Daniele Rustioni, pour la première fois au pied du mur d’Auguste a été très éloquent et plein de cette empathie musicale dont les italiens savent si bien jouer pour leur musique. Ce charme lancinant et ourlé de l’ouverture se transforme peu à peu sous son impulsion, l’orchestre palpite et soupire et puis et puis on passe du rire aux larmes, et du jeu à la tragédie comme sous un ciel de Toscane en automne.
Les chœurs d’Angers Nantes Opéra, ceux d’Avignon et de Marseille mérite des applaudissements fournis. Ils ont véritablement habités la scène et joués le jeu de façon superbe. Quant aux voix l’homogénéité et l’énergie dont ils ont fait preuve fut jubilatoire.
Et pour Verdi ce fut un vrai présent.
J’ai aimé l’orchestre, le chef, les Chœurs et la mise en scène.
Que je sois réservée sur la distribution vient du fait que je connais très bien cet opéra…ou que je l’ai vu en des lieux plus intimes.
Ce fut tout de même un triomphe.
Amalthée