Ce fut un pari ! Un peu comme une histoire à laquelle on croit mais dont on se dit qu’elle est un peu “Fadade“ comme aventure !
Lorsque Paul Onoratini alors maire de La Roque d’Anthéron[1] invita les quelques maires du voisinage dont Lauris et Cadenet de l’autre côté de la Durance, Rognes au nord d’Aix et Salon de Provence pour leur raconter qu’il envisageait de créer avec un jeune homme de trente ans, René Martin, un Festival de Piano nous restâmes bouche bée.
Il y avait déjà Piano aux Jacobins à Toulouse depuis une ou deux encablures ! Mais de véritable Festival tous claviers ? Non…pas vraiment.
L’idée nait à Nantes avec René Martin qui déjà possède une ou deux expériences et a sur le sujet une myriade de relations , de projets et de possibilités.
Je me souviens de ce premier Festival, de l’originalité qui nous apparut immédiatement à nous qui nous rendions déjà dans les détours d’Aix à Ansouis par exemple…Et cela donne un peu la nostalgie mais il faut se garder de la cultiver. Ce que l’on regrette en général dans ces cas là c’est surtout son propre temps à soi.
Et lorsque l’on aime l’art et ceux qui s’y consacrent on se doit d’être généreux comme tous ceux que l’on a aimé et continuer de partiiciper .
J’avais donc choisi trois artistes en trois journées et une période tranquille la fin de juillet. Ce fut un régal.
François Frédéric Guy habitué des lieux montre toujours l’assurance et la technique d’une tenue impeccable auxquelles il joint une virtuosité heureuse et sont âme d’enfant curieux. Fraicheur et sensibilité perdurent malgré le nombre et la variété des concerts.
Cette année il se dédie à Ludwig van Beethoven avec une sincérité et une énergie formidables.
Quatre sonates, les plus fréquentes au programme des interprètes, rassemblées pour une invitation à admirer les caractères et l’évolution de l’œuvre du compositeur.
Trois tonalités de la note Ut.
Avec la sonate N°8 dite Pathétique, en Ut Mineur, nous sommes dans l’univers du jeune Beethoven. Tous les espoirs exposés et se dégageant de la forme héritée de Haydn et Mozart, un art du clavier qui s’impose original et inventif. La période est encore celle du classicisme 1798/99. Le titre de la partition en français, Grande sonate pathétique, la dédicace au Prince Lichnowsky, mécène et ami de Beethoven depuis 1792, date de son arrivée à Vienne. Le parcours de l’homme s’affermit comme sa manière, il a déjà donné ses premiers Quatuors, et son premier Concerto pour Piano et orchestre.
F.F. Guy, à peu de distance de La Roque d’Anthéron dans le calendrier, interprète l’intégrale des Concertos pour piano de Beethoven en concert en même temps.
La deuxième sonate jouée porte le nom dédicataire Comte Waldstein, l’ami et mécène des premières années (1784), elle est en ut majeur. Six années se sont écoulées et la maîtrise comme l’organisation et la présentation des thèmes affirme la personnalité et les traits du compositeur déjà très avancé dans son œuvre en général. Il vient de recevoir un nouvel instrument signé Erard et en dégage toutes la nouvelle possibilité avec une virtuosité et un caractère profond.
Retour aux années antérieures après l’entracte avec la Quatorzième dite Clair de Lune en ut dièse mineur de 1801. Pas de mécène mais une élève Giulietta Giocardi, âgée de dix sept ans et Comtesse. Enseigner et témoigner de l’amour…Évoqué ? Caché ? Tissant la partition sans aucun doute, la dédicace et la mention du titre sont de la main du compositeur. Est-ce la plus connue ? La plus évocatrice du rêve et des sentiments ?
La plus marquée de soirées d’été et de parfums de la nuit .Romantique et romanesque ? La plus risquée pour les interprètes tant les “arrangements“ et plagiats en ont fait une espèce de “logo “musical pour notre cher Ludwig. Et aussi le thème parfaitement mémorisable et suave autant qu’évocateur et bienvenu .
François Frédéric Guy évite tout avatar de facilité ou complaisance.Il présente une partition dégagée,alerte, en ombres te lumières sans débordement ni excès. Une conversation intime dont ma hauteur et la profondeur font chavirer l’âme de bonheur. Un piano, à l’origine Clavcimbalo o piano forte [2], touché avec la densité palpable et raffinée de celui qui voudrais embrasser le poignet fragile de l’élève et susciter en elle l’émois .
Mais on conserve son sang froid et sa courtoise à bonne distance de l’être aimé. Les cigales se taisent à la Roque parfois…ce soir là elles avaient tenu tard leur frisson crissant sur du miel. L’enchantement prit l’air et la chaleur des lieux et Giulietta frôlait et s’émouvait de la “quasi fantasia “inventée et livrée comme le soir de première audition. Le souffle du compositeur comme ivre de sa propre jeunesse et de tant de merveilles passent dans la nuit . La féminine Lune et le féminin sourire ont déployé leur grâce et leur mystère.
Enfin pour terminer l’ultime sonate la Trente-deuxième en Ut mineur, tonalité de la N°8 donnée en début de concert. Univers de la Missa Solemnis et nous avons franchi vingt années 1820/22.Il ne reste que cinq années de vie à Beethoven et à nous donner ses plus grands chefs d’œuvres ouvrant à la musique les espaces infinis qui nous marquent encore de leurs réminiscences. Un adieu à la Forme sonate selon Thomas Mann. Pas tout à fait puisque Beethoven inclut tant de matières complémentaires ici de la Fugue à la variation et en deux mouvements brise encore tant de traits attendus dans son architecture absolument incomparable.
Suivait le lendemain le remarquable Alexei Volodin pour un programme riche, éclactique mariant la virtiuosité brillante et sensuelle , la qualité rythmique authentique et l’élévation. Scarlatti en trois exemplaires 454,487 ,17 du catalogue Kirkpatrick avec cette fièvre sous jacente tenue à quelques millimètre de la flamboyance des rythmes et des paraphrases ,Prokofiev avec des extraits des Dix pièces de l’opus 12 et une Sonate N°3 de l’opus 28 qui fleurent la recherche et l’aventure mais également la nostalgie d’une terre qui lui sera ingrate.Enfin ne découverte celle de Medtner(1880-1951) :Réminiscence, du très beau piano post romantique qui nous fait encore admirer le toucher équilibré et enrgique de ce pianiste fait pour les “voyages“stylistiques et les Grands écarts d’atmosphère .Suivie en seconde partie d’une Polonaise Fantaisie Opus 61 de Chopin donnée en véritable chevauchée et cavalcade de merveilles virtuoses enfalmmées.Puis ô merveille du Canaval de Schumann où se croisent les acrobates et les somnambules, les poètes et les catins costumées et grimaçantes.Où l’âme irradiée de sons et de sollicitation craque en pleurs et s’en va la chevelure semée d’étoiles trouver ce Robert qui à force de quémander la perfection la trouve et se perd dans son rêve ébloui à jamais.
Un immense artiste dénué de caprices et de tics.Un jeu brillant, inspiré pour lequel le miracle de l’instant se déploie chaque soir pour chacun de ceux qui l’écoutent.
La jeune Aimi Kobayashi se présente pour la première fois en France au concert des 18 heures. Un jeu étonnant et fort pour de jolies mains.Chopin En Rondo et sonates dont la N°2 Prélude opus 45,Scherzo N°3,Ballade N°1 ce qui lui va le mieux,et la Polonaise Héroïque.
Un jolie brin de jeune fille ,une robe élégante et raffinée qui lui donne une dimansion de modèle.Impeccable technique et jeunesse d’inspiration.
Merveilleusement jeune elle a conquis son public avec grâce et talent.
Un bel avenir l’attend si elle est sage et raisonnable.
Tout est parfait à la Roque côté concert.
On regrette que les chabres d’hôtes soit en retard d’un demi siècle pas moyen d’avoir un petit déjeuner de classe ! Et pour les restaurants l’imagination n’est pas au pouvoir.
Amalthée