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Ou L’école de chant
Le livret est tiré du roman de Madame de Staël 1766-1817 Corinne.
Je rappelle les origines suisses de la romancière, fille de Jacques Necker, banquier, financier genevois et ministre de Louis XVI .Elle épousa le Baron de Staël ambassadeur de Suède.
L’histoire se passe en un acte à l’auberge le Lys d’or à Plombières, ville de cure très fréquentée.
L’argument repose sur l’ attente “forcée“ d’une vingtaine de personnes ayant décidé d’un déplacement tous vers le même lieu au même instant. Reims en Champagne.
Premier personnage, la Comtesse de Folleville cliente des lieux prétend avoir perdu sa garde robe à son arrivée. Or elle est d’une grande élégance et fervente sur la Mode. On s’affole… on s’affole… L’électricité passe dans l’air !
Nous sommes en 1825, au mois de mai. Quelques curistes de la haute société présents dans l’Établissement décident soudain de se rendre au sacre de Charles X, roi de France.[1] En diligence ou en calèche…Bref il faut en être.
La situation devient cocasse car l’attente sera prolongée. Il n’y a plus de chevaux au relai de Poste. C’est la panne !
Le désoeuvrement déjà inhérent à la Cure se trouve à son comble par cette absence qui les cloue dans un “trou “loin de toutes les choses intéressantes à faire et à voir en ce moment.
Le caprice, la lubie les unit alors pour de longues heures. Gens de bon genre tous issus de la société cosmopolite, d’une Europe bâtie autour de la Fortune, déjà !
Aristocrates, riches bourgeois, militaires de haut grade, diplomates…
Côté dames : Deux jeunes, veuves jolies et originales personnes indépendantes d’esprit, libres, fortunées la Marquise Mélibéa et Comtesse de Folleville sont en vue. Une femme d’affaire ? Madame Cortese propriétaire de l’Hôtel thermal elle a épousé un négociant en fromage qui voyage beaucoup.
Côté intellectuel Corinne la célèbre femme de Lettres romaine, poétesse de belle allure qui est digne de Madame de Staël. Toutes les attentions convergent vers elle. Un intrigant en amour, le Chevalier Belfiore. Un timide Lord Sydney qui se confond en espoir d’attirer le regard de la belle Corinne. Un fier sans peur Don Alvaro partant à la conquête de la Marquise Mélibéa.
Un passionné de musique le Baron de Trombonok sans lequel l’opéra serait bien fade. Un homme de Lettres italien Don Profondo qui chante l’air le plus connu de la partition.
Et un zeste de médecine avec Don Prudenzio –car nous sommes en Cure- !
Une femme de chambre Modestina pour la Comtesse qu’accompagne son cousin Don Luigino. Une gouvernante Maddalena et le maître d’hôtel Antonio, le coursier Zefirino.
Tout ce monde s’agite et chante dans le style de son pays, se télescope tentant d’imposer son point de vue pour résoudre cette petite crise qui se termine par un Buffet. Chansons et petits fours aplanissent les montées d’humeur et les chagrins passagers. Une ou deux intrigues, quelques bisous volés une ou deux toilettes froissées et tous retourneront à Paris vers d’autres mondanités, d’autres futiles points d’intérêts …
On peut y voir une critique des mœurs aristocratiques et bourgeoisies françaises par une Dame auteure formée à la morale protestante, fort cultivée et déjà très féministe, libérale[2].
Napoléon la détestait et elle le lui rendit bien ! Tout comme moi.
Madame la Baronne de Staël ayant gardé de sa formation et de ses études, un justifiable dédain pour les aristocrates faisandés, les bourgeois de petit et grand Genre, les Parasites et Importants de tous poils les librettistes ont suivi avec humour et à propos. Cependant le désir de Rossini et de Luigi Balocchi fut de conquérir Paris ville ou Rossini qui venait d’être nommé Directeur du théâtre des Italiens et avait l’intention de durablement travailler en France ; ce qu’il fit.
La commande pour les fêtes du Couronnement aboutit à sa création en Juillet 1825.
La volonté de mettre en valeur les chanteurs présents en France pour la circonstance est palpable car pas moins de dix-huit intervention de grande allure pour toutes les tessitures s’y retrouvent dans un enchaînement proprement raffiné, élégant et virtuose au plus haut point.
Cette partition opéra a servi et sert de témoignage d’études de l’Académie rossinienne dirigée par Alberto Zedda chef d’orchestre ,musicologue auteur des premières révisions des partitions de Rossini pour leur rendre leur état de composition d’origine et initiateur fondateur du Festival de Pesaro [3]. Avec ses collègues et amis Zedda a permis que Rossini reprenne place au Panthéon des grands. Original, inventif d’une imagination fulgurante parfois et d’une crédibilité absolue sachant joindre les virtuosités les plus acrobatiques à des élans liés et lyriques étourdissants de violence, de tendresse et de passion. Rossini dont chaque œuvre nous enthousiasme de ses trouvailles et de ses traits de génie, de ses rythmes et de ses envolées. Zedda est venu à Royaumont donner des cours de Maîtres et a monté un Voyage à Reims avec les élèves de l’époque. Car avec le Voyage à Reims c’est toute la palette du genre et des styles qui se déploie devant nous.
Les représentations de Zurich nous mettaient face à une mise en scène peu intéressante et surchargée d’intentions. En fait C.Marthaler et J.Rathke situent l’action de nos jours dans une sorte de clinique et ne cherchent qu’à attirer l’attention sur eux et non pas sur l’œuvre de Rossini. Aucun raffinement et des jeux de scène primitifs et grossiers entre les acteurs avec une intervention de figurants trop nombreux. On est gèné par ce débordement boiteux et passons à la musique.
L’ensemble de la distribution a heureusement passé outre en chantant chacun son rôle avec un cœur et une virtuosité exemplaires.
Tous excellents musiciens, maîtrisant le texte à merveille et lui offrant toutes les variété de ton et d’intention de l’oeuvre. Enthousiastes, décidés à jouer ce jeu un peu scabreux entre sérieux et comique qu’impose Rossini dès le départ.
Nous avons surtout aimé les dames !
Julie Fuchs originaire de Provence chante à présent aussi bien Mozart que Massenet et l’opérette-sa Ciboulette était parfaite à l’opéra comique en 2013- prouve une versatilité parfaite et lui promet une carrière sur les hauteurs. Son air Partir, o ciel desio a été applaudi à juste titre tant il était bien mis en voix et présenté avec énergie et élégance.
Elle campe une Comtesse de Folleville idéale. Belle voix longue, souple, naturellement émise et étoffée d’harmoniques instrumentales dont elle joue habilement. Le haut des registres d’un caractère encore léger et la diction précise rendent le personnage élégant, pétillant d’humour et distingué. Il manque encore le ton rossinien, le penchant “plus italien “pour ce rôle…mais j’ai bien aimé ce qu’elle a fait car finalement La Comtesse est assez française !
Une poétesse Corinne de classe avec Rosa Feola déjà haute l’échelle des sopranos italiennes et qui se classe ici avec aplomb et passion communicative. Voix éclatante de jeunesse, puissante, une diction intelligible. Un très bel aspect en scène.
Anna Goryachova a chanté Mélibéa déjà avec Zedda et reprend ici ce rôle qui lui va bien. Elle à du talent, un style parfait et une voix sans défaut.
Les messieurs étaient tous excellents une faveur pour le Don Profondo de Scott Corner un américain pur cru qui pratique Rossini avec une maîtrise de style et un allant tout à fait dans la ligne des méthodes de Pesaro.
La direction de l’Orchestre de Zurich toujours excellent était sous la baguette de Daniele Rustoni en tous points excellent tant pour les instrumentistes que pour les chanteurs et qui est actuellement à la tête du merveilleux Orchestra della Toscana et que nous attendons à Lyon pour 2017/2018. Il est d’une constante attention à tous et fidèle à Rossini dans la lignée des grands italiens qui m’émerveillent toujours avec leur science, leur instinct du “moment musical”, leur aisance et leur sérieux caché sous un sourire d’enfant heureux et surpris.
En fermant les yeux j’ai retrouvé cet opéra que j’aime tant. Dommage que ce n’était pas un concert avec deux parasols et quelques fauteuils !
Amalthée
[1] Charles X, dernier Bourbon, ultime à être sacré à Reims, donc dernier Roi de France. Régna de 1824 à 1830 et mourut en exil en 1836 à Gorizia alors en Italie.
Louis Philippe (Orléans) règne à partir de 1830. Nommé Roi des Français
[2] Madame de Staël épouse de l’Ambassadeur de Suède en France et maîtresse de Benjamin Constant eut pour sujet toutes les idées nouvelles de l’époque post révolutionnaire.
[3] Ville natale de Rossini sur la côte adriatique.
vingtaine de personnes ayant décidé d'un déplacement tous vers le même lieu au même instant. Reims en Champagne. Premier personnage, la Comtesse de Folleville cliente des lieux prétend avoir perdu sa garde robe à son arrivée. Or elle est d'une grande élégance et fervente sur la Mode. On s'affole... on s'affole... L'électricité passe dans l'air ! Nous sommes en 1825, au mois de mai. Quelques curistes de la haute société présents dans l'Établissement décident soudain de se rendre au sacre de Charles X, roi de France. En diligence ou en calèche...Bref il faut en être. La situation devient cocasse car l'attente sera prolongée. Il n'y a plus de chevaux au relai de Poste. C'est la panne ! Le désoeuvrement déjà inhérent à la Cure se trouve à son comble par cette absence qui les cloue dans un "trou "loin de toutes les choses intéressantes à faire et à voir en ce moment. Le caprice, la lubie les unit alors pour de longues heures. Gens de bon genre tous issus de la société cosmopolite, d'une Europe bâtie autour de la Fortune, déjà ! Aristocrates, riches bourgeois, militaires de haut grade, diplomates... Côté dames : Deux jeunes, veuves jolies et originales personnes indépendantes d'esprit, libres, fortunées la Marquise Mélibéa et Comtesse de Folleville sont en vue. Une femme d'affaire ? Madame Cortese propriétaire de l'Hôtel thermal elle a épousé un négociant en fromage qui voyage beaucoup. Côté intellectuel Corinne la célèbre femme de Lettres romaine, poétesse de belle allure qui est digne de Madame de Staël. Toutes les attentions convergent vers elle. Un intrigant en amour, le Chevalier Belfiore. Un timide Lord Sydney qui se confond en espoir d'attirer le regard de la belle Corinne. Un fier sans peur Don Alvaro partant à la conquête de la Marquise Mélibéa. Un passionné de musique le Baron de Trombonok sans lequel l'opéra serait bien fade. Un homme de Lettres italien Don Profondo qui chante l'air le plus connu de la partition. Et un zeste de médecine avec Don Prudenzio –car nous sommes en Cure- ! Une femme de chambre Modestina pour la Comtesse qu'accompagne son cousin Don Luigino. Une gouvernante Maddalena et le maître d'hôtel Antonio, le coursier Zefirino. Tout ce monde s'agite et chante dans le style de son pays, se télescope tentant d'imposer son point de vue pour résoudre cette petite crise qui se termine par un Buffet. Chansons et petits fours aplanissent les montées d'humeur et les chagrins passagers. Une ou deux intrigues, quelques bisous volés une ou deux toilettes froissées et tous retourneront à Paris vers d'autres mondanités, d'autres futiles points d'intérêts ... On peut y voir une critique des mœurs aristocratiques et bourgeoisies françaises par une Dame auteure formée à la morale protestante, fort cultivée et déjà très féministe, libérale . Napoléon la détestait et elle le lui rendit bien ! Tout comme moi. Madame la Baronne de Staël ayant gardé de sa formation et de ses études, un justifiable dédain pour les aristocrates faisandés, les bourgeois de petit et grand Genre, les Parasites et Importants de tous poils les librettistes ont suivi avec humour et à propos. Cependant le désir de Rossini et de Luigi Balocchi fut de conquérir Paris ville ou Rossini qui venait d'être nommé Directeur du théâtre des Italiens et avait l'intention de durablement travailler en France ; ce qu'il fit. La commande pour les fêtes du Couronnement aboutit à sa création en Juillet 1825. La volonté de mettre en valeur les chanteurs présents en France pour la circonstance est palpable car pas moins de dix-huit intervention de grande allure pour toutes les tessitures s'y retrouvent dans un enchaînement proprement raffiné, élégant et virtuose au plus haut point. Cette partition opéra a servi et sert de témoignage d'études de l'Académie rossinienne dirigée par Alberto Zedda chef d'orchestre ,musicologue auteur des premières révisions des partitions de Rossini pour leur rendre leur état de composition d'origine et initiateur fondateur du Festival de Pesaro . Avec ses collègues et amis Zedda a permis que Rossini reprenne place au Panthéon des grands. Original, inventif d'une imagination fulgurante parfois et d'une crédibilité absolue sachant joindre les virtuosités les plus acrobatiques à des élans liés et lyriques étourdissants de violence, de tendresse et de passion. Rossini dont chaque œuvre nous enthousiasme de ses trouvailles et de ses traits de génie, de ses rythmes et de ses envolées. Zedda est venu à Royaumont donner des cours de Maîtres et a monté un Voyage à Reims avec les élèves de l'époque. Car avec le Voyage à Reims c'est toute la palette du genre et des styles qui se déploie devant nous. Les représentations de Zurich nous mettaient face à une mise en scène peu intéressante et surchargée d'intentions. En fait C.Marthaler et J.Rathke situent l'action de nos jours dans une sorte de clinique et ne cherchent qu'à attirer l'attention sur eux et non pas sur l'œuvre de Rossini. Aucun raffinement et des jeux de scène primitifs et grossiers entre les acteurs avec une intervention de figurants trop nombreux. On est gèné par ce débordement boiteux et passons à la musique. L'ensemble de la distribution a heureusement passé outre en chantant chacun son rôle avec un cœur et une virtuosité exemplaires. Tous excellents musiciens, maîtrisant le texte à merveille et lui offrant toutes les variété de ton et d'intention de l'oeuvre. Enthousiastes, décidés à jouer ce jeu un peu scabreux entre sérieux et comique qu'impose Rossini dès le départ. Nous avons surtout aimé les dames ! Julie Fuchs originaire de Provence chante à présent aussi bien Mozart que Massenet et l'opérette-sa Ciboulette était parfaite à l'opéra comique en 2013- prouve une versatilité parfaite et lui promet une carrière sur les hauteurs. Son air Partir, o ciel desio a été applaudi à juste titre tant il était bien mis en voix et présenté avec énergie et élégance. Elle campe une Comtesse de Folleville idéale. Belle voix longue, souple, naturellement émise et étoffée d'harmoniques instrumentales dont elle joue habilement. Le haut des registres d'un caractère encore léger et la diction précise rendent le personnage élégant, pétillant d'humour et distingué. Il manque encore le ton rossinien, le penchant "plus italien "pour ce rôle...mais j'ai bien aimé ce qu'elle a fait car finalement La Comtesse est assez française ! Une poétesse Corinne de classe avec Rosa Feola déjà haute l'échelle des sopranos italiennes et qui se classe ici avec aplomb et passion communicative. Voix éclatante de jeunesse, puissante, une diction intelligible. Un très bel aspect en scène. Anna Goryachova a chanté Mélibéa déjà avec Zedda et reprend ici ce rôle qui lui va bien. Elle à du talent, un style parfait et une voix sans défaut. Les messieurs étaient tous excellents une faveur pour le Don Profondo de Scott Corner un américain pur cru qui pratique Rossini avec une maîtrise de style et un allant tout à fait dans la ligne des méthodes de Pesaro. La direction de l'Orchestre de Zurich toujours excellent était sous la baguette de Daniele Rustoni en tous points excellent tant pour les instrumentistes que pour les chanteurs et qui est actuellement à la tête du merveilleux Orchestra della Toscana et que nous attendons à Lyon pour 2017/2018. Il est d'une constante attention à tous et fidèle à Rossini dans la lignée des grands italiens qui m'émerveillent toujours avec leur science, leur instinct du "moment musical", leur aisance et leur sérieux caché sous un sourire d'enfant heureux et surpris. En fermant les yeux j'ai retrouvé cet opéra que j'aime tant. Dommage que ce n'était pas un concert avec deux parasols et quelques fauteuils ! Amalthée