Cendrillon
comme au temps de Perrault
Nous allons parler de Jean-Louis Laruette 1731-1792 et de Louis Anseaume 1721-1784.
Ah ! Qui sont ils ?
Et si je vous dis Charles Perrault ?
Charles Perrault est peu être devenu un inconnu pour nos chères têtes blondes, rousses et brunes ! [1]
Pour les générations auxquelles j’appartiens le bras droit de Colbert, auteur littéraire et chef de file des Modernes-face aux Classiques, Boileau, Racine et consorts… dans la fameuse querelle qui les opposa, est avant tout l’auteur des Contes de ma mère l’oye et de Contes anciens qui reprirent vie grâce à leur mise en état littéraire.
Il est notamment auteur de Cendrillon, cette jeune fille mal aimée de sa marâtre et moquée de ses deux pimbèches de sœurs. Par bonheur elle est une filleule bien nantie d’une marraine fée. Invitée au Bal où le Prince doit choisir son épouse, elle en disparaît à minuit en ayant perdu sa pantoufle de verre[2].Nous savons la suite…
Jean Louis Laruette, musicien, ténor, écrivain, poète, homme de parfaite éducation. En 1763 de sociétaire de la Comédie Italienne, il est nommé membre du Comité. Son talent de ténor léger est si réputé que l’on compose pour lui des rôles d’amoureux, mais également ceux de père ou de banquier afin de pouvoir l’applaudir plus souvent.
Il compose très joliment et le succès se trouve au rendez-vous de ses œuvres. Il devient rapidement célèbre et l’on peut affirmer qu’avec son collègue Duni il est le créateur de l’Opéra comique à la française. Leur succèderont Monsigny et Philidor, le style se caractérisent par un assemblage de textes parlés relayé par des airs chantés et de la musique en symphonie.
Il termine sa vie de chanteur à donner des récitals et s’éteint en 1792.Il fut membre des Enfants d’Apollon, société Académique.
Louis Anceaume de dix ans l’ainé de son complice composteur était un acteur dramatique qui opérait également comme souffleur. Métier particulièrement utile de tous temps. Un long temps au théâtre Italien il est nommé sous- directeur de l’opéra comique. Comme auteur il devint célèbre avec le Peintre amoureux de 1757 qui fit de nombreuses représentations avec succès et plus tard 1769, Le tableau parlant, qui bénéficia de la musique de Gretry.
Nous leur devons ce Vaudeville ou Opéra comique (avant la lettre) dont le titre Cendrillon est sans ambages proche de nous.
À noter que Laruette meurt,[3] l’année même où Gioacchino Rossini voit le jour à Pesaro en Italie. Celui-ci y dédia une musique de conte de fée digne de son inépuisable verve. Jules Massenet quant à lui nous invite à sa version depuis 1899, une partition qui rencontra elle aussi un grands succès.
Revenons à Laruette et Anseaume que les Monts du Reuil sortent de la Bibliothèque de l’Arsenal [4]en redonnant la représentation dans le goût de l’époque et de notre siècle.
La Cendrillon de Ève Coquart nous permet de découvrir une artiste au talent versatile et maitrisé dont l’expression limpide, d’un charme heureux, d’une déclamation –récitatifs, ligne de chant- s’accomplit avec élégance. Un raffinement très français dont le phrasé intense est dénué de pathos, sans pause excessive, respecte l’indispensable alternance de modestie, de noblesse et de coquetterie sage du personnage. Elle donne de Cendrillon l’image délicieuse d’une fleur de lys surgie d’un jardin de broussaille.
Le Prince de Benjamin Alunni le fait également sortir au jour. Peu de baryton de cette tessiture possède cette chair vocale nimbée de lumière sombre et cette souplesse nerveuse et vive capable d’expression ample et modulée. Son répertoire varié le conduira sans doute à aborder Mozart et Haendel de la jeunesse dans un premier temps et nous le reverrons très certainement.
La Marraine, Armelle Khourdoïan et les deux “frangines “gommeuses , Anne Marie Baudette , venue droit du Canada. Timbre rayonnant, caractère d’accrocheuse, allumeuse, à l’expression vitriolée de circonstance, Éléonore Lemaire un sourire musical, pour cette soprano à la quinte lumineuse, sinueuse au caractère de pimbèche, toutes deux vocalement parfaites et qui jubilent sur ce plateau où la complicité et le plaisir dominent.
N’oublions pas Cécil Gallois originaire de Nantes, également baryton au timbre prenant et doré, au talent de comédien inné qui se charge avec humour et à propos, des rôles de composition : Pierrot, L’officier et le Suisse. Dans le Vaudeville où les personnage sont colorés et trempés il fait merveille par sa capacité à enchaîner les actions et permettre de lier musique et texte.
Même compliments aux instrumentistes tous de tempérament déterminés et de fort talent , pour la sonorité, l’intensité du jeu instrumental, l’élégance racée qui avance avec vigueur et lyrisme, habite l’espace sonore à plein et donne l’impression qu’ils sont “vingt “tant ils savent déployer leur jeu. À deux violons, un violoncelle, un alto et un clavecin le tout couronné d’un traverso, (une flûte) et c’est Benjamin Alunni, notre baryton d’honneur qui se dédouble. Hélène Clerc –Murgier tient le clavecin et la direction de l’Ensemble.
Les Monts de Reuil ont porté sur scène à la Bibliothèque nationale, cette Cendrillon avec panache. Dans une figuration proche du 17e siècle à la lumière de notre contemporain.
Mille questions surgissent toujours à la suite ce genre de renaissance, l’essentiel est de retrouver l’esprit du plaisir, des jeux de l’esprit, de l’humour parfois loufoque ou burlesque qui sonne comme la vie, comme le désir de vivre, d’aimer ou détester selon l’humeur et le sort…
Un théâtre fait de nos destinées et de nos réactions peut être simples ou normales ? Qui laisse de côté pour une heure la tragédie .C’est un vrai bonheur et dommage que ce ne soit pas un DVD !
Amalthée
Édition Les Belles Ecouteuses-E Label
Les Mont de Reuil dirigé par Hélène Clerc-Murgier
Yulianna Avdeeva
Chopin, Schubert et Prokofiev
Chez Mirare
Nous l’avons découverte au Concert de clôture de La Folle Journée de Nantes dans le deuxième Concerto de Chopin. Une soirée qu’il est encore possible d’écouter et de voir sur ARTE en cherchant sur le site de la chaine à : La Folle Journée 2015 .Nous nous rendons compte de ce talent absolument exceptionnel, de son éblouissante jeunesse. L’artiste âgée aujourd’hui de trente ans a dépassé sa technique et son travail d’étudiante douée, pour nous proposer un jeu d’une fulgurance et d’une poésie merveilleuses.
Premier Prix Chopin à Varsovie 2010, on revoit la remise de Prix de cette soirée dans les mêmes conditions que précédemment. Yuliana Avdeeva y apparaît vive, émue dans le même concerto de Chopin.
Il est dès lors aisé de comprendre et d’apprécier que Mirare lui ait offert de pérenniser une interprétation en soliste et voici ce coffret fort bien fait.
La voici avec les 24 Préludes de l’opus 28 de Chopin dont elle pénètre toute la précieuse grâce comme l’éloquence élégante et vivifiante. Une source de battements de cœur et d’âme qui emporte la pensée au plus profond de l’oubli du temps et de sa pesanteur.
Puis ce sont les Trois Klavierstücke de Franz Schubert, lancés à la vitesse du galop et pourtant d’une poésie si communicative, au point que je me suis mise à chanter !
Pour la Sonate N°7 de Prokofiev, que je découvre dans sa tourmente et sa détermination à cumuler esprit libre et maîtrise classique de la forme.
Un très grand enregistrement saisi alors que cette artiste n’est pas encore atteinte par la routine des concerts et sait à chaque interprétation renouveler son approche.
Chez Mirare
Yulianna Avdeeva
Chopin, Schubert, Prokofiev
Amalthée