Festival de Pesaro

 Somptueuse Mathilde de Shabran

De Gioachino Rossini

En DVD chez Decca

Ma chronique musicale nous a souvent  permis d’évoquer  en reportages  le Festival de Pesaro, ville natale de Gioachino Rossini (1792-1868).Le célèbre compositeur de Barbier de Séville y est honoré par la représentation, après remise en forme  à l’original du manuscrit, de toutes ses œuvres  depuis le premier Festival de 1982 . Ainsi   un certain nombre des chefs d’œuvres-en particulier les opéras dramatiques – furent remis dans leur lumière et leur écriture originales par les membres éminents de la Fondation Rossini.

 

Le dernier drame semi sérieux (semiséria) de Rossini vient à la Scène en 1821 pour répondre à une commande du théâtre Apollo à Rome où officiait l’impresario Luigi Vestri.

Une recherche affinée nous ramène à un drame de François Benoît Hoffman  pour le texte et Mehul pour  la musique Euprosine et Coradin  ou le  Tyran corrigé (1790).Période révolutionnaire qui voulut que l’on manifestât sa détestation des nobliaux  portés à la guerre   et à la domination par la violence  de certains seigneurs sur  l’entourage et  la domesticité.

Corradino cuor di ferro[1], ténor Joan Diego Florez campe donc ce personnage haut en couleur colérique et faisant profession de foi d’exécrer  la gente féminine. Face à ses proches, il se montre outrecuidant et dominateur  les menaçant de coups, en faisant donner…Aliprando le médecin, Nicola Alaimo, Ginardo gardien du donjon, Egoldo le chef de ses paysans. Il détient sous sa poigne comme prisonnier, de ses voisins, jeune homme noble,  fier et courageux Edoardo, chanté par un travesti, la mezzo  Anna Goryachova  et déteste par dessus tout un certaine Comtessa d’Arco folle d’amour pour le cruel Corradino, venue là  tramer l’intrigue contre une rivale potentielle  qui arrive sur les lieux. Mathilde de Shabran soprano Olga Peretyatko, dont le père fut un des rares amis de Corradino, a, sur son lit de mort, confié sa chère  Mathilde à la protection de ce dernier. Le médecin Aliprando l’apprend à la ronde et tente de préparer Cœur de fer à une réserve de mise pour la circonstance face à cette pupille qui lui vient de loin.

Nous la découvrons affrontant cet énergumène  dangereux  qui décuple ses gestes et paroles sur le mode de l’épouvante si cela est possible . Elle , tout au contraire très à l’aise, jouant de sa prestance et son naturel gracieux et enjôleur. Le terrible pourfendeur de femmes tombe comme happé par l’amour dont il ignore les effets.

Entre ces deux situations il y a place pour la séduction, et Mathilde tend à Corradino son sentiment, tendresse contre la griffe de tigre et sourire pour invective.

Au début du premier acte, un personnage des plus  efficace et des plus drôle entre en scène-il la quittera peu ,venu des routes  poussiéreuses de la misère. Le poète Isidoro ,baryton Paolo Bordogna .Il convient peu ou prou à Corradino comme souffre douleurs officiel, à Aliprando et autres proches comme complice et exutoire de certaines colères « soupe au lait » du Maître. Allant de la prison au champs de bataille, chantant et disant à merveille, il est le grain de poésie, de bonne humeur et de haute intelligence et quoique couard  le vainqueur d’une bonne partie de l’histoire.

Car vous l’avez compris, le père  du  jeune Edoardo, Raimondo  voulant délivrer son fils des griffes de Corradino se joint à quelques adversaires et se trouve bientôt face à Corradino en marche pour la bagarre. Le  château confié à Mathilde tous les hommes partent à la guerre. Le père d’Edoardo en  mauvaise posture est à son tour le prisonnier  de Corradino. Corradino qui voit des espions et des complots en tous ceux qui l’approchent, ce qui incite la Comtesse d’Arco  mêlant son fiel à sa passion dévastatrice pour Corradino, ourdit la libération d’ Edoardo afin que Mathilde soit accusée de trahison.

La condamnation à mort tombe .Mais le stratagème de la comtesse est bientôt dévoilé par Edoardo lui même qui ne peut supporter de la voir accuser, Il revient au château et Mathilde se trouve disculpée tandis qu’elle implore la grâce de tous ceux qui ont subi les humeurs colériques de  Corradino  .Puis le couple  s’accorde à l’ amour puissant et romanesque qui l’embrase .Les paysans vivront désormais en paix, le médecin également et le poète pourra chanter les victoires passées de Corradino et sa bienveillance  nouvelle.

Le ténor péruvien Joan Diego Florez avait conquis le monde de l’opéra avec ce rôle de Corradino chanté, ici même au Palazzo dello Sport [2] en 1996.C’est désormais au nouveau bâtiment qui se situe à l’extérieur de la ville que ce type d’opéra à grande distribution est donné. La carrière exceptionnelle  de Joan Diego Florez dit assez son immense talent dans le répertoire du Bel canto. Des aigus triomphants et limpides une quinte supérieure préservée et une longueur d’ambitus idéale. Son style et son timbre ensoleillés sont reconnaissables entre tous. Il a la puissance et le souffle de ces rôles déjà héroïques et tendus sur le plan dramatique. Il en a aussi l’allure fière et charmeuse. Aujourd’hui parvenu au sommet de sa prestance vocale il vient de chanter le rôle tendu et puissant de Guillaume Tell à Pesaro dans le cadre du Festival.

Sa prestation ici dans Mathilde de Shabran date de 2010 alors que l’opéra semiséria ultime du genre revenait sur la scène de la ville natale de son compositeur. En 1996 il nous avait époustoufle, maïs c’est avec une grande émotion que nous l’avons retrouvé dans cette œuvre surtout remarquable pours ses Ensembles et sa partition fournie et fourmillante d’idées neuves comme développant des plages d’un lyrisme étonnant de vigueur et du beauté instrumentale.

La Mathilde de Olga Peretyatko possède le charme  voluptueux  et acide de la pleine jeunesse. Une virtuosité inouïe qui fait de la dernière partie de l’Acte 2 un sommet et la grâce de la femme à son meilleur jour. Paolo Bordogna est le poète rêve, avec ses tonalités cuivrées et sa volubilité  vocale impeccable dans les attaques comme dans les rebondissements. Sa gestique  et son allure mi comique mi tragique naturelle et  souple  qui font de lui un baryton de caractère.

Le reste de la distribution dont Simone Alaimo et la mezzo Anna Goryachova en Edoardo complètent une équipe  parfaitement harmonieuse pour une œuvre d’une grande tenue et peu connue.

Ce DVD est superbe à tous point de vue. Le décor unique un escalier à colimaçon géant est magistralement utilisé par le metteur en scène Mario Martone.

Et digne de ce projet le jeune chef  Michele Mariotti actuel directeur musical de l’orchestre et du Chœur  du Théâtre de Bologna, qui dirige cette musique comme si elle avait été imprimée la veille sorien droit du pupitre de l’enfant du pays.

En quelques secondes dans votre fauteuil vous serez transporté sur les bords de l’Adriatique pour un grand moment de bonheur lyrique et instrumental avec cette représentation vivante et pétillante ;

Le dvd de la rentrée chez Decca .

Mathilde de Shabran de G.Rossini

Filmé lors des représentations de Pesaro en 2010

J.D.Florez. Olga Peretyatko, Paolo Bordogna

Michele Mariotti à la tête du chœur 

et de l’Orchestre de Bologna

Amalthéé

 

 

 



[1] Cœur de fer

[2] Un lieu où débutèrent les premières années du Festival en harmonie avec l’Auditorium Pedrotti et le Théâtre Rossini. 

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

Tel. 07 88 21 15 46

Mail. contact@amalthee-ecrivain.info

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