Tristan et iIsolde acte 2

Festival de Bayreuth

Wagner au regard des facettes de la féminité

Éloignons nous un peu des tant de considérations psychologiques ampoulées et voyons donc ce drame comme celui de Wagner lui même. De son rapport très normal avec les femmes. Celles qu’il aima ,et elle furent nombreuses.

Laissons à l’évocation de l’enfance la présence de la mère et voyons les autres.

Minna Planer que certains biographes ne considèrent pas avec un intérêt suffisant sinon[1] attentif et qui pourtant fut l’épouse discrète et charmante de l’impécunieux ,aventureux et souvent très pénible jeune Wagner. Celui de Senta héroïne du Vaisseau fantôme Fliegende Hollander,son tout premier opéra authentiquement wagnérien. Qui est Senta sinon l’idéal féminin de la jeune fille,de la société intermédiaire, éperdue d’amour qui se sacrifie pour un sombre pêcheur légendaire reparaissant tous les sept ans. Vierge sacrifiée et délire poétique.

Un saut dans le temps,Mina a écopé de tempêtes et orages,de la misère à Paris et des difficiles créations de Tannhäuser. Comme nous l’évoquions dans l’article précédent à propos de ce même festival,Élisabeth est une vierge sainte qui se sacrifie pour le pêcheur Tannhäuser coupable e grivoiseries et de délire sexuels au pays du Vénusberg. Encore une vierge sacrifiée et cette fois la dame est de noble naissance.

Un détour par le merveilleux Lohengrin ,que crée Franz Liszt à Weimar en 1850, et nous sommes face à l’énigme du virage amoureux de Wagner…Le mariage est sans doute consommé entre Elsa de Brabant et son héros salvateur qui refuse de donner son nom. Cette fois le pêché est sur l’épouse et c’est elle qui est punie…

Lohengrin retourne vers le royaume de son père,tandis qu’Elsa,devra vivre,seule, protégeant la minorité de son frère. L’amoureuse devenue femme de devoir .

En somme ,nous constatons alors que Wagner à peine quadragénaire admet quasiment que,quelle que soit l’attitude de la femme, elle subit une punition ou prend en charge la punition de l’homme qu’elle aime!Voire elle aspire à la mort par l’amour et pour l’amour éprouvé et prouvé.

C’est [2]du dernier machisme et particulièrement assez mauvais chrétien !

Viennent les étapes helvétiques ?Après 1848,Wagner en fuite de Dresde où il n’est plus en odeur de sainteté,arrive à Zurich et vit chichement en donnant quelques concerts très écoutés. Minna , toujours fidèle a suivi avec le toutou.

Par ses interprétations ,notamment des symphonies de Beethoven, Wagner séduit Mathilde dame de qualité, pratiquante et épouse de Otto de Wesendonck ,qui servira probablement de modèle pour le personnage si gratifiant du Roi Mark( Tristan et Isolde).Mathilde écrit des lieder ,et Wagner s’éprend d’elle .

Otto se montre d’une amicale générosité ,payant les dettes,aidant le couple. Il achète pour Wagner une maison sur le Lac de Zurich, l’Asile, voisine de la sienne. Pendant la construction des deux maisons s’élaborent les fameux Wesendonck lieder de la plume de l’une tandis que l’autre, déjà empli de son prochain Tristan,compose l’accompagnement de ces poèmes d’une grande beauté poétiques qui sont encore au répertoire et reflètent d’une même pensée la saveur sonore de Tristan et la hauteur spirituelle de l’amour interdit. De l’amour impossible de Mathilde.

Malgré la tenue de la dame ,au cours d’une absence de son mari,les deux amoureux commettent des imprudences. Wagner flambant de l’intérieur,doit fuir à Paris sous un accès colérique de Otto ; Minna accuse d’ailleurs Mathilde de l’avoir séparée de son mari,mais en réalité elle doit partir en cure.

Minna mise hors du circuit amoureux de Richard Wagner …où elle joue une “charmante petite femme“jolie et qui meurt d’un infarctus alors qu’elle est déjà séparé de son mari depuis quatre ans.

Ainsi de vierges à forte composante maternelle,immolées ,au péché ,au génie ?de l’homme l’imaginaire de notre compositeur se porte au sublime personnage d’Isolde.

Isolde, qui elle ne se sacrifie pas aux normes d’un amour, même extatique ou sublimé,mais s’immole et transcende du même geste et sa haine et son amour en désir de mort à deux. Un premier aboutissement absolu de l’idéal féminin qui convient à Wagner ayant dû subir l’arrêt de son élan vers Mathilde brisé par elle même au nom la raison et le devoir. Un premier et seul échec pour ce charmeur impénitent auquel tous ont toujours tout pardonné !

À l’avenir il ne peut se contenter d’un sentiment pur,d’un élan naturel ,extatique ou soumis à l’homme . Isolde comme plus tard Brünnhilde et dans une autre dimension Kundry offrent la complexité des amours adultes .L’égarement des sens et de l’esprit.

Toutes trois viennent du fond des âges possédant le don ou/et la science enchanteresse des druides .

Pour Isolde avec laquelle nous demeurons ici,le temps de chevalerie.la voit d’un noble caractère de Dame et de reine. Jeune fille elle sauva Tristan d’une mortelle blessure,en récompense ce dernier lui offre la couronne de son oncle le roi Mark. Isolde prend ce geste gour un geste de mépris et décide qu’ils mourront tous deux unis par la mort du filtre. Filtre qui se mue en filtre d’amour et la tragédie ouvre ses bras aux amants éternels.

Ainsi,Mathilde figure-t-elle Isolde ?Pour une grande part assurément,ne serait-ce que par le fatalisme et le respect dont Tristan fait preuve envers Isolde.

Le cas féminin dépassé,le plus fort que l’amour ou du désir de Wagner s’immerge par la musique et il esquisse le manuscrit du poème à Zurich dès 1854 pour porter l’œuvre cinq ans,jusqu’en 1859 ,alors il termine sa partition musicale à Venise puis à Lucerne .Première représentation au théâtre royal de Munich sous la direction de Hans von Bulow.[3]

Avec Tristan porte le romantisme à son point culminant et le condamne à éclater ou a s’enliser. Il fonde la musique la plus belle du monde et cette musique est un partition qui sont l’aboutissement d’une idée abstraite avec le langage idoine. Tout se joue sur le motif du désir ,une suite de quatre note ascendante de demi ton en demi ton et qui ne se résolvent en accord parfait et apaisement qu’à la mort des deux amants. Jamais Wagner n’ira au delà de ce quasi miracle musical. L’amour est ici assimilé à la Volonté de Schopenhauer[4] qui permet de transformer l’aventure inaboutie de Mathilde en prolongement de l’idée érotique.

La suite de la vie privée de Wagner et ses rapports avec les femmes suivent un cours plus étroit pour ne pas dire étriqué et bougeoirs…Le Ring et ses personnages mentalement engendrés Richard croise Cosima Liszt l’épouse de Hans von Bulow .Une rencontre qui fera scandale avec divorce et remariage à la clé..Nous ne sommes plus dans l’absolu des amours mythiques ou légendaires mais dans les séductions érotiques de l’homme mûr face à la jeunesse d’une femme de caractère bougeoirs.

Ainsi qu’il s’agisse de vie d’artiste ou de son existence,Le temps de Tristan est d’Isolde est profondément marqué de l’aboutissement extrême de l’originalité et du concentré créatif du génie Wagnérien

La mise en scène de Bayreuth de ce Tristan et Isolde 2011 remonte à 2005.

Nous avons sous les yeux un paquebot soviétique des années cinquante du siècle dernier .

Tristan porte l’imperméable du représentant de commerce ou d’un commissaire de police bien connu de chez Simenon. Isolde est habillée comme une petite bourgeoise d’une quelconque ville européenne de la même époque. Kurvenal port un Kilt écossais moderne. Le troisième acte se déroule dans une chambre d’hôpital avec des murs lépreux et un lit à mécanisme basculant.

Les meubles sont tirés de n’importe quelle salle de café ou ferry boat des mêmes années .Nulle fenêtre,nul horizon mais une série de plafonnier au néon qui joue en augmentations et diminutions le rôle de la nuit et du jour. Les couleurs ne font qu’aggraver l’ambiance décidément laide et cafardeuse. Le jaune sale,les bruns pisseux et les marrons fades croisent des blancs affadis de crasse. Toute l’atmosphère est vouée à l’ennui.

Un ennui que malheureusement traduit le metteur en scène Christophe Marthaler qui influe lourdement pour un comportement sans nuances des personnages.

Isolde semble presque idiote,Tristan engoncé dans une prostration sans grande fièvre mais parfois seulement nerveuse. Le Roi Mark est figé à jamais dans une attitude bornée et non pas ample,compréhensive ou généreuse telle que Wagner le laisse entendre. Seule Brangaene et Kurvenal ressemblent à des êtres vivants et non pas à des momies animées.

L’impression générale est celle d’un mortel ennui. Et sans doute le chef d’orchestre Peter Schneider parfaitement capable par ailleurs d’imagination et de mener à bien une partition wagnérienne,ne semble pas surmonter cet ennui !J’ai trouvé sa direction musicale très en deçà de sa performance habituelle.

Le Tristan de Robert Dean Smith demeure l’atout absolu de cette production. La voix est celle du rôle brillante et émouvante,la quinte aiguë gainée et juste et le phrasé et la prosodie sans faille,le souffle magnifique. Pour ce rôle absolument unique dans toute l’histoire de l’opéra ,il rivalise avec le canadien Ben Heppner qui le porta si bien et si haut,avec à l’avantage de Dean Smith une certaine “fragilité“apparente .

En Isolde la danoise Irène Theorin qui manque de souffle bien que la voix lui permette de belles envoles de ce rôle surtout dans le premier acte. Pour le troisième et le Chant de la mort,elle faiblit vraiment. Elle chante souvent Wagner,mais la tessiture manque de largeur et de profondeur,on la sent toujours à ses limites. Il semble qu’elle ne possède pas à fond son rôle. Et elle manque d’implication par une personnification trop neutre du rôle.

En revanche la Brangaene de Michelle Breedt fait grand effet. La voix large,le timbre de caractère personnel , cuivré , l’expression,le phrasé comme le souffle sont en parfait équilibre.

Un excellent Kurvenal,celui de Jukka Rasilainen.Une voix solide,expressive et une personnification efficace et intéressante

Le reste de la distribution comprend le Roi Mark de Robert Holl qui chante comme toujours sans imagination,sans éclat et sans émotion et d’une vois vieillie sous le harnais de rôles secondaires. Je ne comprends pas que Bayreuth ne soit pas en mesure de trouver un baryton basse qui soit à la hauteur d’une tel rôle.

Dans l’ensemble ce Tristan tient la scène !Pas plus.

Dire qu’il est comparable à ce que nous avons vu à Bayreuth précédemment…Est autre chose.

Une Vidéo de ce spectacle avec ces mêmes interprètes est en vente sur le site d’Arte.J’en conseille l’achat pour Robert Dean Smith qui enregistre peu et qui est excellent. De même comme il s’agit un enregistrement ,Irène Theorin y est meilleure.

Amalthée

Amour éperdu…La relation est-elle finalement uniquement sentimentale ?[5]et ,


[1] Voir la biographie de Minna,en allemand, parue il y a une dizaine d’année chez Schott

[2] que l’on me pardonne l’expression

[3] Wagner a été sauvé du naufrage et peut être du suicide par Louis II de Bavière

un an auparavant

[4] Le monde comme volonté et représentation

[5] Judith Cabaud dans son Mathilde Wesendonck pense que non

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Hélène Cadouin
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