De Baden Baden à Vienne !
Le tournant de 2013 sur ARTE
La télévision est une façon de sortir sans risque majeur, sauf celui de parfois s’endormir !Mais soyons heureux en ce début d’année les retransmission sur la chaîne ARTE eurent une tenue de haut niveau et Vienne a véritablement été mise à l’honneur une fois encore.
Reconnaissons à l’Autriche qu’elle est toujours en position d’excellence en ce qui concerne la musique classique dont la Valse et l’opérette de qualité font partie.Partons cependant tout d’abord pour la Forêt noire, proche de la France sur le plan géographique mais assez différente sur le plan musical.
Visons Baden Baden, cette ville allemande où nombre d’habitants parlent le français et qui bientôt accueillera Simon Rattle [1]et l’orchestre Philharmonique de Berlin pour une Flûte enchantée de Mozart que l’on prévoit comme historique.
Un festival s’y déroule chaque année vers le mois de juin. En 2012, le ténor Rolando Villazón jouait le double rôle de metteur en scène et chanteur dans le personnage haut en couleurs Nemorino de l’opéra de Gaetano Donizetti.
Un joli lot de surprise :tout d’abord la mise en scène cocasse, d’une humeur réjouie et bien venue avec son mélange des genres, cinéma muet et opéra comique .Des effets de vidéo en noir et blanc ,des personnages du Far West et des costumes pour les chanteurs à l’avenant. Nous avons ici des Indiens du temps de la Conquête de l’Ouest, de jolies Mimi de Saloon et un ou deux soldats de l’armée du Nord plus quelque Cherif fort en gueule et en étoile !Les mouvements de foule et les actions individuelles sont remarquablement mis au points et dirigés en souplesse et en énergie .Les costumes ont de la classe et de l’authenticité, tous ce monde prend au sérieux ce qui doit l’être , le chant, la musique et la comédie et se rit de l’aventure comme il se doit.
La voix de Rolando Villazón n’est plustout àfait celle d’un ténor de grâce et difficilement celle de ténor lyrique depuis son opération. Mais son abattage en scène est formidable et son enthousiasme pour la musique inchangé .Il y met du cœur et une technique de qualité. Cependant les rôles héroïques ne lui sont plus facilement accessibles, du moins sa quinte aiguë est en péril. Sa partenaire et amoureuse Adina est campée par la ravissante Miah Persson quise trémousse bien mais n’a pas les capacités vocales de ce rôle pour lequel il faut des coloratures gainées et un medium solide et autre chose que des sourires pour monter la gamme !
Roman Treckel semble manquer de souffle parvenant difficilement à chanter ce répertoire trop raffiné pour lui. Il n’est qu’ Ildebrando d’Arcangelo, qui triomphe dans le rôle haut en couleur de Dulcamara le sympathique charlatan forain .Sa voix de basse noble est encore si jeune et si onctueuse qu’il semble sortir d’un conte de fées plutôt que d’être à se trainer sur les routes en vendant de l’élixir fut –il d’amour !
Comme presque à chaque fois les Chœurs sont absolument parfaits : justesse des attaques, couleurs et justesse des voix en parfaite harmonie et brio de l’expression.
L’orchestre a su se plier à cette poésie musicale scintillante jouant la vivacité et la légèreté bien contrôlée par un tout jeune chef Pablo Heras Cassado qui dirige cette partition comme s’il la créait de toute pièce avec la curiosité et la fièvre joyeuse d’un enfant émerveillé. Sa battue est excellente, les plans sonores, la régularité des tempi, les solis de l’orchestre et les chanteurs bien soutenu et accompagnés de main de maître.
Au point que l’enthousiasme général déployé finit par gommer les quelques imperfections des chanteurs et que l’on ressort de ce spectacle tout de même content.
La Chauve Souris à l’opéra de Vienne
Version 2011
Le triomphe de Franz Welser-Möst
La Chauve Souris de Johann Strauss demeure l’opérette la plus jouée dans le monde depuis sa création le 5 avril 1874. Avec La veuve Joyeuse de Franz Lehar elle se donne à l’Opéra et non dans un établissement dédié à la musique légère.
À l’opéra de Vienne la tradition veut que chaque 31 décembre le Wiener Saatsoper ouvre ses portes pour donner la représentation de cette soirée de réveillon.
À l’origine une pièce autrichienne « La Prison »que Meilhac et Halevy en 1872 adapte pour la France sous le titre Le réveillon.
Histoire que R.Genée et Karl Haffner redéploye pour que Strauss en 42 jours en fasse une œuvre triomphale.
L’architecture en trois actes est d’une élégance et d’une souplesse remarquable. L’anecdote d’une légèreté arachnéenne et son déroulement tant théâtral que musical ne laisse percer que mots d’esprits succulents et drôle, humour subtil et intention charmeuse et charmante.
Frivolité, fluidité, humour et mascarade .Cette pièce coule comme le champagne et la bonne humeur est de rigueur.
Il faut avoir vu la Chauve souris au moins une fois dans sa vie de mélomane pour savoir ce qu’est la joie de vivre en musique.
Voyons l’argument :
Un aristocrate viennois de caractère susceptible et orgueilleux Gabriel von Eisenstein a épousé depuis peu une ravissante personne prénommée Rosalinde.
Or un jour, il se dispute avec morgue avec un adversaire qui ne le supporte. On en vint au tribunal .Notre Gabriel condamné à plusieurs jours de prison… fait appel et en écope double dose !
Il doit se rendre à la prison au 1er janvier au matin !
Une scène pittoresque se déroule alors devant Rosalinde : la femme de chambre Adèle pleure à chaudes larmes en afin de partir pour la soirée voir sa tante malade. Elle essuie un refus. Gabriel rentre chez lui. Peu après survient son ami le Docteur Falke. Il l’invite au réveillon du richissime Prince Orlofsky.On prévoit des dames et un cotillon superbes ! Gabriel s’esquive avec Falke prétextant son départ immédiat pour la prison ; en habit de soirée !
Alors soudain Adèle reçoit la permission d’aller chez sa tante. Rosalinde reçoit chez elle Albert un ténor de l’opéra fou d’elle ! Dont elle fut un peu amoureuse autrefois. Ce dernier lui fait une cour très pressante et s’installe à sa table pour dîner. Ils sont interrompus par l’arrivée du Directeur de la prison venu chercher Eisenstein, qui fait embarquer Albert à sa place.
Chez le Prince Orlofsky se trouvent nos joyeux compères Gabriel et Falke. Survient en invitée surprise Rosalinde masquée déguisée en Comtesse Hongroise. Adèle alias Olga se trouve parmi les invités comme Comédienne débutante à la recherche d’un protecteur et sa sœur Ida l’accompagne. Et tout ce beau monde a pris un nom d’emprunt. Marquis Renard pour Eisenstein qui s’éprend de la Comtesse en laquelle il ne reconnaît pas sa femme. Adèle séduit filialement le Directeur de la prison. Et Orlofsky rit enfin à gorge déployée ! Ce qu’il recherchait à coup de millions depuis longtemps…Cette soirée est une blague gigantesque montée par Falk pour se venger de son bon “ami“ Eisenstein qui le laissa choir dans la rue…à la fin d’une nuit de Réveillon d’une précédente année .Seul sur le pavé de Vienne à un potron minet déguisé en Chauve souris il avait été la risée des passants.
Et les fêtards se séparent à six heures du matin après cette nuit somptueuse
Au troisième acte. , Tous se retrouvent par des chemins divers à la Prison où le pot aux roses découvert
Tous sont complices ! Sauf le Directeur qui devient paternellement l’ami d’Adèle avec l’aide du Prince Orlofsky !
Et Gabriel von Eisenstein doit faire des excuses à Rosalinde et commencer son “amende honorable“ envers son prochain.
La distribution que nous avons eu le bonheur de voir et entendre frise la perfection. Kurt Streit en Eisenstein,Rainer Trost en Alfred , Markus Eiche en Falk avec une mention spéciale pour sa voix de baryton d’une qualité remarquable et son sens de la comédie parfait, également épatant et d’une intelligence scénique rare Peter Simonischek en Directeur de Prison.
Côté des Dames, Michaela Kaune possède parfaitement le rôle de Rosalinde la voix est impeccablement conduite et le timbre encore très beau, Orlofsky est magistralement interprété par Zoryana Kushpler dont la voix de mezzo a ce timbre androgyne et doré qu’il faut et Daniella Fally triomphe en Adèle !Un Adèle de grande classe et haut niveau technique et vocal comme composition scénique .Et Dieu sait si Vienne eut pour ce rôle extrêmement ardu, pointu et incomparable en difficulté des soprano colorature de classe ,telle Edita Gruberova.
La mise en scène est attachée à l’opéra de Vienne et elle est encore parfaite.
La direction d’orchestre confiée à Franz Welser-Möst nous rappelle que Strauss est terriblement difficile à bien diriger. Il y faut ce que ce chef autrichien de 52 ans possède : un brin d’humour très britannique, une intelligence musicale hors pair et une connaissance du caractère de cette musique.
Tout le monde pense qu’elle serait écrite pour distraire ! Mais pas seulement elle est la musique, la fée musique, impalpable, incomparable terriblement entrainante et mémorisable .Un sourire, le rire de la bonne humeur, certes et pourtant l’émotion est là en permanence…Le cœur bat la chamade et l’on voudrait…On ne sait trop ! On y décèle aussi le temps qui passe et le temps qui s’enfuit…et larmes de bonheur ou larmes de nostalgie ? Vous aurez vécu une soirée inoubliable.
Le lendemain en direct cette fois le même orchestre Philharmonique de Vienne
Franz Welser-Möst tenait le podium pour la seconde fois au fameux Concert du Nouvel an .Le concert des deux milliards de téléspectateurs.
Franz Welser-Möst est le Directeur musical de l’orchestre Philharmonique de Vienne et ce n’est pas un mince honneur.
Amalthée