Festival de Lucerne
Année des 75 ans d’une manifestation sans rides ni reproches
Musique Sacrée pour un temps de Pâques
The Gospel According to Other Mary
La passion de Jésus racontée par l’Autre Marie
De John Adams [1]
Sans conteste voici l’oriflamme à cette édition du festival de Lucerne : la création pour la Suisse, de l’œuvre de John Adams, connu pour le plus important, significatif compositeur nord américain actuel. Avec à son actif un nombre important de compositions sur des thèmes de la spiritualité, il nous donne une version de la Passion du Christ dans le langage des hommes et femmes d’aujourd’hui qui ne vont pas aux concerts pour se distraire, mais hélas vive la passion du Christ sans aucun doute avec lui !
L’Oratorio présenté, The Gospel According to Other Mary, de manière pleine et entière est frappé au coin de la misère sociale et des travailleurs sociaux qui se vouent à lutter avec les moyens du bord contre l’enfermement définitif des pauvres en un cercle infernal.
J. Adams très concerné par son époque composa à trente-cinq ans Nixon in China en 1977. Ce qui explique ses orientations vers des textes et des partitions en accord au “jour le jour
Son architecture musicale en constante évolution le rend intéressant à l’écoute comme à la pensée de l’auditeur d’aujourd’hui. Nullement préoccupé du style ampoulé, poussiéreux et insupportable à beaucoup, des compositeurs européens qui voient [2] encore aujourd’hui l’absence de tonalité et autre dodécaphonisme antimélodieux comme La Solution Noble de toute musique à venir, Adams après un temps de “minimalisme “[3]a forgé son propre caractère. Le texte et la mise en espaces sont de Peter Sellars d’après le Nouveau Testament et autres auteurs.
Pour l’Européenne que je suis, Adams qu’on le veuille ou nom se place dans la succession de Gershwin et son Porgy and Bess et de Bernstein surtout avec le fabuleux West Side Story en gardant à la mémoire que Bernstein écrivit la Chichester psalm. La musique est faite pour être chantée par le peuple, les uns et les autres en toute fraternité. C’est le sens du message du Christ et il est frappant, comme un heureux présage, que cette pièce monte sur les scènes européennes[4] au moment même où Notre pape François venu d’Amérique latine entame son pontificat en nous proposant de “faire un chemin ensemble “
Les américains ont l’avantage de ne pas “intellectualiser “leur littérature, leur peinture ou leur musique.ce qui rend leur art parfaitement abordable et accessible à tous. Et si je me montre béotienne en cette affirmation. Vivent les béotiens ils ont une âme !
Gustavo Dudamel[5]à la tête de l’Orchestre et des chœurs de Los Angeles a dirigé de manière inspirée et valeureuse cette pièce qui lui convient parfaitement.
On reconnaîtra un beau talent aux chanteurs tous d’origine américaine, Kelly O’Connor, Mary Magdalena, Tamara Munford, Martha et Russel Thomas en Lazare.
Voici qui nous concerne. Les moyens médiatiques sont capables de nous enregistrer cette Passion. Souhaitons-le, et souhaitons sa diffusion avec un moindre esprit de profits immédiats, car ce serait un moment intime et intense d’une communion universelle à laquelle il faut s’efforcer désormais de participer. À laquelle les potentats de ce monde en voie de péril extrême devraient s’efforcer de comprendre un minimum de choses.
Premier et troisième Concerts
Claudio Abbado et Martha Argerich
Beethoven, Mozart, Schubert
Rencontres dans la joie de l’amitié.
Ils se connaissent depuis 1965 !Abbado remportant le Prix Mitropoulos à New York et la flamboyante Martha ! Venue de Buénos Aires. Ce qui à l’époque se faisait peu !
Elle était brune comme les jais, aujour’hui elle porte la neige tombée sur ses mêches avec fierté. Le talent l’auréolait après un Prix Busoni à Bolzano, un à Genève et celui de Varsovie au fameux concours Chopin .Il s’est épanoui avec magnificence, elle peut tout jouer, des Russes enivrants au Mozart le plus opératique.
Le caractère de la pianiste argentine réputé trempé, difficile et parfois sans retour lui a permis d’affirmer des interpétations exemplaires, frappées du tempérament de feu et laves vibrantes. Tous lui reconnaissent des qualités techniques d’une profonde grandeur personnelle comme soliste. Une volonté de pionnière capable de foncer droit, d’entraîner d’autres talents avec elle. Désormais à Lugano, des réunions de musiciens de chambre à géométrie varaible. Ensembles qui comptent par exemple Guidon Kremmer et L.Zilberstein ou plus proche d’elle encore Alexandre Rabinovitch et Nelson Freire. Bientôt les deux français Renaud et Gauthier Capuçon.[6]
L’enfant terrible, arquée en maintes occasions et à chaque fois avec force et conviction contre des cacochimes et autres jurés mous ou blasés couronnant, dans certains cas, de “pauvres et petits talents “sans avenir, demeure la même. Surdimension d’un cœur d’or et d’une âme de poète .Elle ne joue pas elle épouse l’œuvre à l’instant. Avant elle prépare. Elle s’adonne à une vie d’interprète mesurée, réflèchie tenant compte de son époque mais toujours fidèle à la pensée, aux visions, aux circonstances des œuvres et des compositeurs.
Svelte, presque timide parfois, les cheveux déroulé sur ses épaules en apparence frèles et ses mains d’une agilité fascinante.
Mozart et deux concertos d’importance le KV 503 et le 466 .Tout est en place de manière tellement naturelle, parlante et chantante. Car ces deux concertos de Mozart avec leur premier mouvement découlant comme d’une Ouverture d’un opéra encore à venir, dévoilent chaque intervention, détail d’envol ou immiscion du piano un chant architecturé avec son récitatif, son aria en développement, sa reprise et sa coda. Claudio Abbado et l’Orchestra Mozart di Bologna donnent une réplique dans le ton du drame qui se joue .Un échange où l’humour et la poésie poignante laissent parfois la place à la virtuosité sans que jamais cette dernière domine un instant ,même dans les imlprovisations si bien énoncées par la pianiste.
Première pièce du concert Abbado ouvrait avec l’Ouverture N° 2 de son opéra Leonore opus 72 de Beethoven. Datant de 1805 l’ouverture servit à la Première en 1805 de l’unique ouvrage scénique du compositeur .Drame lyrique dont la version définitive remaniée devint Fidélio (1809). L’atmosphère bruisse des brumes palpitantes de certains passages de l’Héroïque cependant que la fameuse trompette annonçant Don Pezzaro claire et perlée d’un reste de l’orage s’élève. Abbado comme nous l’entendons plus loin avec la quatrième symphonie du même Beethoven a topujours eu une vision humaine et palpable du grand homme épris de liberté et de foi présent dans cette pièce avec un humour tranquille, et vivacité rare sortie semble-t-il sans embûche sur le papier. Symphonie heureuse dédiée au Comte Oppersdorf et datant de 1806, temps moins troublé qu’à l’habitude. Et l’interprétation d’Abbado rend parfaitement ce temps heureux retrouvé comme une île joyeuse dans la vie de Beethoven.
Les sonorités de l’Orchestra Mozart virtuoses et admirablement justes, équilibrées et le sentiment qui s’exalte de cette interprétation apporte un frisson, d’une rayonnante jeunesse. Claudio Abbado me paraît avoir retrouvé lui aussi une période moins difficile sur le plan physique et son visage rayonna au cours de ses deux concerts en tous points d’une exceptionnelle verdeur.
Deuxième Concert
Isabelle Faust
Violoniste
Les excès de la vertu prise au piège.
Excellente instrumentiste, Isabelle Faust se livrait à un concert en Solo, en ce dimanche après midi, sur l’heure absolument mal choisie de dix sept heures !
Si vous avez déjeuné tard votre promenade au bord du lac en est perturbée. Si vous avez décidé de sortir vers les champs de neige…
Et, aléa supplémentaire, vous devez assister à cela, non pas confortablement installé dans une salle du KKL mais dans un Salon de l’Hôtel historique de Lucerne : le Schweizerhof. Cinq étoiles d’un super luxe vieillot 1870 révisé 2000.Dossier ovale ajusté pour rentrer dans les épaules ! Siège à déclenchemant automatique de sciatique même chez le nouveau né !
Si par hasard un gabarit de rugbyman se plante à la place devant vous ! Adieu toute vision même partielle de l’instrumentiste.
Cela se surmonte. Mais l’accoustique est défectueuse à partir du dixième rang.
Au programme donc les Sonates et partitas de Johan Sebastian Bach.
Pourquoi ? Car la dame les a enregistrés.
Il s’agit donc d’un monument musical dont l’enchaînement s’explique ainsi.
Or le concert n’est pas un enregistrement. Il exige d’être rendu vivant de la part de l’artiste. Nous avons ici une lecture parfaite, d’une parfaite monotonie, n’ allant pas, vraiment, au devant de l’attente du public. Voici des compositions géniales d’un compositeur revéré et pourtant dévidées comme à une classe de maître.
Quel manque d’imagination ! Quel manque de grâce, de fantaisie et de vie.
J’en ai ressenti une envie de dormir incroyable ! Où est passé J.S.Bach ?
Immobilisé dans le sillon froid d’un CD à la mémoire infaillible, mais sans âme. Où sont les Menuhin, les Ginette Neveu, les Gil Shaham ?
Il faut avoir vécu, souffert, joué et éprouvé quelques sentiments pour communiquer avec Bach. L’excellence du jeu est reconnue…Mais le talent de l’interprète ?
Un quart de la salle a demandé son vestiaire pour sortir dans le soleil déclinant sur le Lac des Quatre Quantons.
Le Festival se terminait avec Marriss Jansons et l’Orchestre d’État de Bavière et un programme particulièrement convenu dont le War Requiem de B Britten.
Je regrettte la Passion selon saint Jean de Bach avec les English Baroque et John Eliot Gardiner, mais il en existe un enregistrement superbe qui compense largement.
Un Festival de qualité constante dans une ambience de printemeps en giboulées de neige et de pluie mais toujpours souriant et accueillant.
Amalthée
[1] né en 1942
[2] Depuis les trois Viennois que l’on sait…
[3] Voir la signification de ce mot et la carrière de Adams sur le site consacré au compositeur par Encyclopedia Universalis
[4] Elle sera donnée à Paris cette semaine
[5] Vous pouvez lire l’article de mon site sur le sujet Gustavo DudamelFestival de Lucerne (2007) ou m’écrire.
[6] Le premier Violoniste le second Violoncelliste