Hire Arikawa
Loin de toute idée de nous rapporter une anecdote, ce conte en forme de roman nous fait approcher de très près le mode de vie de ce pays très lointain, le Japon .
Un mode de vie, une façon de vivre ensemble , des mœurs qui un grand nombre d’égards nous sont complètement distants.
Mémoires d’un chat.
Que certains rationalistes et matérialistes “à l’ancienne“ ou purs et durs passent leur chemin. Tant mieux. Et tant pis.
Aujourd’hui nous savons que les plantes et les arbres communiquent entre eux, preuves scientifiques à l’appui.
Les animaux ont un langage. Je vis avec des animaux de compagnie depuis mon enfance je sais que ce de nombreux éléments de ce roman sont véridiques. Et il est admirable qu’un auteur ait pu prendre la place et la plume de plusieurs personnages agissant dans cette aventure et atteindre un tel degré de nuances dans les comportements et les sentiments.
Une vie à deux…un chemin de cinq années sur lequel l’amour, la confiance réciproques , de l’humain féminin et masculin à animal révèle une similitude de chance et d’avatars qui par instants vous étourdissent la perception du récit…est-ce l’humain ou le quatre pattes qui a vécu ou ressenti cela ? Car symbiose du sentiment existe…au delà d’idées “dites humaines“. D’idées ? Plutôt de conception.
Un enfant qui fut orphelin à douze ans, parvenu à l’âge d’homme recueille un chat errant qui s’est tout de même inclus dans un univers citadin par urgence.
Le Japon que nous voyons surtout au travers de ses artistes et de sa façon d’avoir rejoint en partie “notre mode de vie à l’occidentale “. Or nonobstant la vitrine et les vêtements ou les pratiques diverses de la vie courante et du travail, le Japon demeure lui même.
Ce livre est ma première rencontre avec la littérature japonaise. Et j’ai été bouleversée par la dimension de ce récit –dont l’auteur annoncé est un chat à la manière de La Fontaine-[1]qui en réalité s’avère le portrait d’un être d’une qualité humaine exceptionnelle. La bonté et la propension idéale à l’amitié de Satoru sont rares. Envers les animaux comme envers les humains. L’approche et la conduite du chat comme les pensées et réactions prêtées à l’animal sont humaines, bien étudiées. Ceux qui connaissent cet animal fier et dénué de servilité le savent.
Le récit est d’une qualité littéraire remarquable. Raffinement et justesse du vocabulaire mais aussi pudeur d’expression et tenue des émotions à la mesure des attitudes.
En vérité ce conte se révèle tout autre qu’une simple histoire complice.
Mais je tiens à préserver les lecteurs futurs d’un étalage.
Un chat de gouttière, un matou blanc avec un drôle de dessin sur la tête, prend position sur un monospace au soleil. Il s’agit d’une voiture en stationnement appartenant à un homme mince et solitaire qui habite dans un des appartements de l’immeuble dont ce parquing dépend.
Nous sommes au Japon. À Tokyo où hommes et chats, chiens et autres animaux de compagnie vivent sur un espace vital compté.
Chaque jour le propriétaire du monospace qui se nomme Satoru Myawaki , après avoir partagé un pain au poulet avec le chat, a pris l’habitude de laisser des croquettes sous une roue de sa voiture . Autrefois avant que ses parents disparaissent il a eu un chat. Mais il a dû le confier à de lointains cousins car encore lycéen il était impossible pour lui de garder son chat.
Le chat du parquing ressemble au chat de son enfance. À ce tout petit chaton minet qui avait été jeté à la poubelle et que son copain et lui avaient sauvé.
Le chat du parquing reçoit des croquettes un peu de tout le monde, mais il dort le plus souvent possible sur le monospace de Satoru.
Mais un jour le chat est bousculé avec une violence inouïe et envoyé de l’autre côté d’une rue par une voiture. Fracture ouverte de la patte arrière…il se traine jusqu’à l’immeuble de Satoru. Et ce dernier entend les hurlements de détresse de ce pauvre blessé qui souffre terriblement.
Après le passage à la clinique vétérinaire le chat est amené dans l’appartement de Satoru. Après deux mois de repos, la convalescence raffermit le désir de retrouver la liberté chez cet errant convaincu. Mais bientôt le bruit, le souvenir… le font frémir.
La porte ouverte, l’idée de balader présente, il se retourne tout de même vers le jeune sauveur.
—Tu viens…
Une voiture passe…fait un bruit épouvantable !
—Viens on rentre !
Après s’être presque enroulé autour des jambes du jeune homme la remontée vers le logis est inscrite dans l’esprit du chat.
—Tu veux bien être mon chat ?
Le chat est guéri . Le jeune homme le nomme Nana. En japonais ce mot signifie le chiffre huit … À cause de la tache sur le pelage blanc.
À partir de cet événement qui semble très simple l’auteure Hire Arikawa
nous emmène vers un monde intime et profond. Le passé et le destin de ce garçon et de ce chat en apparence très semblables à ceux de millions de compatriotes et de leur compagnon prend un autre tour…
Dans ces Mémoires d’un chat , l’animal a la parole . Mais également les personnes qui approchent et ont approché Satoru.
Car un jour après cinq belles années d’une existence à deux entre dodos et promenades , Satoru explique à Nana qu’il doit aller vivre bientôt dans un autre foyer.
Ils montent dans le Monospace et nous suivons en double récit du passé de Satoru et des voyages présents, le chat et l’homme accomplissant la quête d’ une maison et d’un ou des compagnons futurs pour Nana.
Lisez ce livre absolument. Il est exceptionnel à tous points de vue. La vie y palpite comme un papillon dans sa fragile et stupéfiante beauté et l’émotion partagée d’une intensité durable et bouleversante. Une merveilleuse confidence.
Amalthée
Les mémoire d’un chat par Hire Arikawa
Chez Actes Sud
[1] Jean de La Fontaine 1621-1695 fabuliste et conteur. Tenu à distance de la Cour de Louis XIV en raison de ses relations professionnelles avec Nicolas Fouquet. Académicien en 1684.