24 Décembre 1800 Gildard Guillaume[1]
J’avais envoyé à Paris, quelques un de mes[2] officiers pour se défaire de Bonaparte, parce que je croyais la mesure nécessaire : mais je ne leur avais prescrit aucun moyen d’exécution. Ils ont choisi celui de l’explosion, elle est blâmable puisqu’elle sacrifiait inutilement des innocents.
Georges Cadoudal( 1771-1804)
La Révolution Française fut une Révolution bourgeoise. Le procès d’un tel événement serait vain . Certains affirment[3]-à tort ou à raison-qu ‘elle fut payée par une autre “Puissance adverse“ ou ennemie : elle rompit les digues du Pouvoir héréditaire et/ou absolu. Mille ans d’Histoire en basculèrent et elle servit de modèle à d’autres peuples. Cependant l’avenir qui sembla nouveau, prometteur dut compter avec les stigmates et les réussites du passé monarchique qui avait sut s’entourer souvent d’hommes et de femmes de talent et de clairvoyance.
“Le premier attentat terroriste de l’Histoire“
Le Premier Consul Bonaparte, en cette soirée de veille de Noël 1800, en compagnie de son épouse Joséphine et de sa sœur se rend à l’opéra. Plusieurs voitures attelées se suivent et doivent passer par la rue Saint Nicaise.
Une charrette dont une jeune adolescente tient la bride du cheval explose dans un fracas foudroyant. Aussitôt la rue, les gens, les bâtiments alentours sont pulvérisés sur une centaine de mètres alentour semant la terreur! Les voitures de Bonaparte sont passées avant !
Erreur de signal du chef à son complice ? Deballonnement du chef au dernier moment ? Mystère. Un des acteurs Saint-Réjant n’a jamaus avoué et fut exécuté, l’autre Carbon condamné, également exécuté ne participa qu’à la préparation.
À quelques dixième de secondes près du passage des voitures du Premier magistrat de France . Bonaparte et les siens entrent dans la salle et sont accueillis par des applaudissements.
Déjà on l’admire et le vénère. À tout le moins on le craint et le respecte. Car Bonaparte à liquidé la Révolution moribonde avec son 18 Brumaire et levé le spectre du Désordre et de l’indiscipline, peu propices à la reprise des activités lucratives et indispensables à la vie des citoyens.
Ainsi la France a repris son rang dans le concert des pays avec grandeur et dignité . Dignité républicaine et nouvelle certes. Mais indispensable .
Immédiatement après l’événement, le peuple de la rue comme les autres classes de la Société se montrèrent hérissés que l’on ait pu vouloir éliminer le vainqueur de Marengo. Ce général grimpé en haut par son génie propre, son intelligence et son courage.
La perspective du Retour éventuel de la monarchie des Bourbons, malgré l’aide de ses perfides amis d’Angleterre, est une menace non négligeable pour le Premier Consul à vie. Cependant il dira de ces événements dont il réchappe et qu’il attribue“ aux Jacobins“ : “Ne me faites pas de tout ceci une carmagnole !“
Il résulte de ce crime odieux , perpétré dans un esprit archaïque, doté de fatuité et de faux orgueil aveuglé de haine, que seules d’ innocentes victimes y ont trouvé la mort ou d’atroces souffrances suivies d’invalidité irrémédiables.
Ce qui diffère des crimes politiques précédents, tient à une méthode qui jusque là ne se pratiquait pas. Une façon d’agir qui dénote la lâcheté de son auteur et son absence totale de dignité. Semer la terreur et la perspective de la mort en aveugle ! Chercher à éliminer un adversaire sans s’investir soi même .
Ce qui fait dire à l’auteur qu’il s’agit bien du “ Premier attentat terroriste de l’Histoire“
Le tribunal criminel de la Seine au Palais de Justice de Paris dans l’ile de la Cité ouvre le procès des auteurs et complices le 11 germinal an IX à dix heures du matin ( 30 mars 1801)[4]. Il se termine le 16 germinal au soir(3 avril 1801). Cinq Jours.
La foule qui assiste au procès est élégante. Parfois on a réussi à entrer s’asseoir sur un banc …mais debout permet aussi “d’en être“ ! Toutes et tous se sont pressés rue de la Barillerie, afin de pouvoir assister au procès du Premier attentat terroriste de notre histoire.
Ceux qui demeurent dans le hall, canalisés par les gendarmes se promènent en attendant que les échos leur parviennent à la sortie des assistants .
Les Journaux de l’époque ont largement communiqué sur tout ce qu’ils on pu apprendre. La vie passée des accusés, leurs habitudes, actes et actions etc. Le public est concerné. Certains par curiosité de badauds. Ces gens estiment devoir être là, peut être sans bien comprendre ou l’affirmer, se sentent-ils de la partie, un peu comme par une leçon de citoyenneté . Pour la première fois il peuvent aussi exprimer un avis. En quelque sorte se former à être français “capable de participer“ et non pas subissant. Ils manifestent souvent bruyamment.
Les juges et les membres du Jury sont exposés à la critique, au public ! Se savent pertinemment observés. Ils en acceptent l’honneur et surmontent leur crainte d’être notés. Du moins catalogués par des citoyens, désormais leurs égaux, même si parmi eux se trouvent des ignorants.
Des noms passeront à la postérité : le président Hémart, l’avocat Bellart d’un talent remarquable.
Habit noir qui semble de soie, un sautoir en ruban bleu, blanc , rouge suspend la médaille où de simple mots s’inscrivent : “La Loi“. Le chapeau noir à plumes noires complète la tenue impressionnante, qui donne à la Cour sa noblesse et son ascendant.
Le Commissaire du Gouvernement se nomme aussi Accusateur public.
Les avocats sont souvent connus . Ils ont survécu à la Révolution, à la Terreur et aux aléas divers en conservant une idée équilibrée de la Justice.
L’auteur Gildard Guillaume conduit son ouvrage comme un reportage historique. D’après les archives. Documents officiels, privés, ecclésiastiques, rapports divers, ouvrages littéraires, éditions nombreuses et Mémoires ( y compris de Napoléon lui-même et de ses ministres et membres de ses armées de l’époque). Cette somme de connaissances est constituée pour le principal des comptes rendus pris en dictées successives par des copistes au cours du procès, des interrogatoires dont ils firent les Minutes. À cela vinrent s’ajouter les comptes rendus de l’action dans la Presse, d’après les témoignages des victimes survivantes et les enquêtes de la police. Également tout ce qui fut conservé sur les acteurs et les témoins des faits , comme ce qui ressortit des liens et correspondances divers entre les accusés et leurs relations et parents. Où qu’ils se soient trouvés avant et après les faits.
Le procès, et quel procès ! se déroule sous nos yeux, étapes significatives triées une à une avec des notes complémentaires . Personnage par personnage avec leur interrogatoire et les précisions les plus proches possible en une neutralité absolue. Dans le même temps en parallèle, jour après jour la description des accusés principaux en portraits précis (passé et rôle pendant la Révolution) s’intercale à des articles sur les lieux de détention, certaines rue du Paris de l’époque. Il est même précisé comment les juges et avocats qui participèrent à ce procès terminèrent leur carrière. Un état des lieux de la ville de Paris dans sa misère et sa crasse vient clôturer les annexes. Ainsi nous saisissons l’importance sociale et civique que prit l’appareil judiciaire en France à partir de Consulat…bientôt de l’Empire. Mais nous avons aussi une idée un peu plus réaliste des lieux où vivaient certains citoyens de la capitale.
La situation de chacun des participant ou intervenant et ses antécédents sont donnés dans l’exacte mesure permettant de faire la lumière sur cet événement majeur de notre Histoire.
Pour ceux qui n’ont pas une idée précise de l’histoire judiciaire , un chapitre est dédié à l’historique de la création sous la Révolution du Tribunal criminel avec un jury . La nouvelle loi pénale fut instituée en septembre 1791.
Également éclairant pour tous, est le rappel des attentats criminels contre les chefs d’États depuis 1610 et l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac. Car à l’inverse d’autres actes répréhensibles et criminels, l’affaire de la Rue Saint Nicaise a manqué son but puisque Bonaparte ne fut pas éliminé et a fait carrière.
Enfin apparaissent ceux ou celles qui furent accusés par proximité .
Et si Georges Cadoudal paya de sa vie (1804)sa haine de Bonaparte et son ordre à l’éliminer, celui qui fut le cerveau présent et agissant de cet attentat : Joseph-Pierre Picot de Limoëlan, échappa à la justice grâce à des complicités terminant son existence aux USA.
Le doute subsiste en bien des points. Comme par exemple l’ acquittement d’ Adélaïde de Cicé, qui ne prouve par son innocence…le rôle du ministre de la police le célèbre Fouché est “ténébreux“ comme à bien des moments de sa longue carrière. Et puis, ce procès, le premier “moderne“ a ressembler au devenir qui survit encore… laisse des parts d’ombre malgré tout.
On est pris par le rythme soutenu, d’un seul souffle, quasi militaire de l’écriture et le foisonnement de ce récit. Cela vient de la précision et de la richesse des connaissances ici exposées sur un tel événement, tant sur le plan de l’attentat que des usages et des avancées de l’époque du Consulat et du début du 19ème siècle.
Un ouvrage passionnant, instructif , formateur, qui conduit bien au delà de l’histoire des faits, à bien réfléchir sur le présent actuel.
À lire et à relire.
Amalthée
Gildard Guillaume . L’attentat contre Bonaparte Rue Saint Nicaise 24 décembre 1800
Préface David Chanter Anne . Serie Les Acteurs du Savoir Éditions Saint Léger
.
[1] Écrivain Avocat honoraire et administrateur de l’Institut Napoléon
[2] Le chapitre 24 de l’ouvrage est consacré à G.C conte par le détail la genèse de l’attentat et brosse un portrait du Chouan célèbre entre tous.
[3] Et prouvent en partie
[4] Lez 22 septembre 1792 Jour Un de l’an Un de la première République