(Hercule Amoureux)
Musique De Francesco Cavalli[1]
Livret de Francesco Butti
L’enchantement d’un jour de fête
L’Opéra Comique lors de sa Saison 2019/2020 a monté l’œuvre de Francesco Cavalli
Ercole Amante. Voici que paraît chez Naxos distribué par Outhere la représentation complète.
Cette pièce lyrique fut donnée en première à la salle des Machines du Palais des Tuileries à Paris à l’occasion du mariage de Louis XIV [2]en 1662.
Francesco Cavalli, organiste de la Cappella Marciana [3] fut tout d’abord réputé pour ses œuvres sacrées. Il prit goût à développer le genre opéra dans la suite de Claudio Monteverdi avec la réalisation des Nozze di Teti e di Peleo, en 1639, mais dans des circonstances plus larges et populaires.
L’aîné composa surtout pour la Cour de Mantoue, avec, à sa disposition un orchestre très fourni et divers en instruments, alors que Cavalli apporte à leurs demandes, aux théâtres de Venise, de nouvelles œuvre vues et appréciées d’un large public venu de toutes les catégories sociales de la République aristocratique des Doges.
Très vite, travaillant notamment pour le célèbre Teatro San Cassiano, il développe le chant orné et mélodieux qui fait avancer le genre vers un lyrisme avec des Airs faciles à mémoriser, à reprendre et chanter, par le public lui-même. L’accompagnement comporte un nombre de pupitres plus groupé autour de l’orchestre à cordes en basse continue. Les personnages de ses pièces sont populaires et les effets dramatiques très recherchés et divers avec des grands passages vocaux dramatiques et des moments burlesques. Sa réputation passe rapidement les frontières. Ainsi En 1646, durant la régence d’Anne d’Autriche,[4] le Cardinal Mazarin, favorisera ce nouveau genre musical et invite Cavalli en France, l’Egisto est alors monté au théâtre du Petit Bourbon à Paris.
La réalisation de l’Opéra Comique est une véritable nouvelle création du genre baroque avec machinerie et effets spéciaux multiples.
Tout d’abord saluons les réalisateurs :
Le chef Raphaël Pichon à la tête de son Ensemble Pygmalion nous plonge dans la véritable et authentique ambiance de l’œuvre “à plusieurs faces “ qui tient du drame et de la danse, du conte et de la farce, de la fable et de la future Comédie/tragédie Ballet de Cour à double entrée( populaire et aristocratique). Il sculpte et module son accompagnement à chaque personnage chanteur acteur qu’il complète avec une intelligence, un talent de recherche et une spontanéité remarquables, tant du point de vue musical que vocal. Le naturel, la souplesse et la noblesse se conjuguent au sens de la magie lyrique et théâtrale d’une œuvre absolument superbe et heureuse tant elle est riche.
Les comédien(les chanteurs et chanteuses), sont tous absolument magnifiques. Manuel di Pierro, Ercole(Hercule)Basse (argentin de naissance), campe un Ercole en pleine puissance et jubilation théâtrale. La voix est souple, naturelle, timbrée juste, avec des harmoniques très versatiles, d’une longueur impressionnante avec un médium aussi riche que les graves profonds, elle conserve même dans les instants de diction rageuse ou féroce, une clarté et une transparence absolue. Il est impressionnant et superbe cet Ercole sur le plan physique ! Avec un aspect mâle et coquin, presque joyeux même dans les extrêmes de ses gestes tragicomiques.
Anna Bonitatibus Giunone(Junon). Exceptionnelle noblesse de maintien dans des costumes féeriques et rutilants. La diction, le port de voix, le chant lisse et corsé le regard et les gestes en parfaite harmonie avec le déroulement du drame et son rôle qui se révèle absolument essentiel, directif et magique dans cette oeuvre.
Dejanira (Dejanire) est portée à son point de plus belle apparence par Giuseppina Bridelli. Femme royale, personnage en pleurs et en chagrin cherchant la mort en permanence, qui nous bouleverse malgré le comique de la situation parfois. La diction et les envolées lyriques en parfait équilibre musical. Une qualité de timbre aux dorures irisées, une tension et un contrôle vocaux parfaits. Très belle allure en scène, elle porte son malheur avec tendresse, sensibilité et rage contenue, envers le fils et le père, impeccablement équilibrées.
Une image idéale d’Iole avec Francesca Aspromonte Beauté naturelle et sophistiquée à l’extrême ! Blonde sortie d’un conte nordique , elle porte avec grâce une coiffure, un maquillage comme un costume ravissants et sages. Elle est la proie, effrayée, effarée que Ercole convoite avec une avidité et une aridité de sentiment phénoménales ! Elle passe de l’extrême refus à l’acceptation éperdue pour sauver son amour et sa vie ! Elle y met toute son âme et toute sa voix. Elle aime et est aimée de Hyla, ( fils de Dejanire).
Elle passe de tremblements vocaux exceptionnellement prononcés avec un lyrisme subtil survolant l’orchestre, à des tensions vocales mêlant fureur, vengeance en pâmoison et crainte ,montrant une aisance vocale et une technique fabuleuses.
Venere (Vénus) Giulia Semenzato est magnifique tant vocalement que scéniquement. Ray Chenez [5] joue et chante le Page avec toute la polissonnerie possible. Une voix de ténor ambiguë , son timbre frais, légèrement acide bien que pulpeux lui permet de jouer les rôles androgynes. Le médium est fruité, les aigus raffinés et pointus sans être coupants. Très intéressante et intelligente composition (chanté, joué, dansé) avec un costume sensationnel qu’il porte avec le maintient d’un danseur .
Saluons Dominique Visse Licco, le parfait ami/confident et valet de comédie ( de Dejanire) qui assène à chacun une bonne morale terrienne populaire [6]en conduisant des intermèdes remarquablement joués et chantés. Il forme avec Ray Chenez (le Page) un couple semant la raison, le sourire en tenant le fil conducteur de cette pièce très bien écrite.
Mais tout cela n’aurait pu nous être révélé sans la mise en scène coruscante de Valérie Lesort et Christian Hecq (de la Comédie Française), les décors absolument incomparables fruits d’une imagination débordante de réussites originales- la personnification du Sommeil en gros bébé joufflu et la double paire d’yeux de Junon entre autres- de Laurent Peduzzi, les costumes Vanessa Sannino , celui d’Ercole et celui de Junon en particulier. Enfin les “poupées“ réalisées par Carole Allemand, Sophie Coeffic et Valerie Lesort.
Un véritable spectacle lyrique, théâtral et dansant de très haut niveau qui ne recherche pas l’élitisme et se détourne de tout effet superflu mais installe cette pièce dans la Beauté absolue d’une œuvre accessible à tous.
La tragédie, le comique et la danse se mêlent à merveille. Les effets spéciaux sont multiples. L’émerveillement visuel nous prend dès l’ouverture du rideau tandis que retentissent des instruments venus du temps immatériel mais réel où l’équilibre des sonorités instrumentales participe à la volupté de l’écoute. Un moment de dépaysement incomparable et parfait pour tous les publics.
Ne le laissez pas passer.
Amalthée
Production des opéras Comique Paris, de Versailles et de Bordeaux.
Un DVD Chez NAXOS
Distribué par OUTHERE