Année Verdi-Wagner

 Lohengrin   de Richard Wagner

 Histoire de cygne sans plume ni raison !

 Malgré les réflexions sur la présence, en cette soirée de fin 2012 d’un opéra signé Richard Wagner plutôt que Giuseppe Verdi, [1]surgies de toutes parts, tant en Italie [2]que dans le reste de l’Europe, la soirée d’ouverture de la Scala de Milan ne subit aucune manifestation d’hostilité  en ce 7 décembre, jour de la  Saint Ambroise, patron de la ville.Au contraire les applaudissements furent nourris.

 

Le président de la République, G. Napoletano absent de cette soirée ,l’hymne italien fut joué et chanté à la fin de la représentation contre au début d’habitude. Le président du Conseil Monti annonçait à la fin de la soirée, qu’il présentait sa démission afin d’affronter en bonne situation le parti de Berlusconi de retour sur la scène politique italienne .

À l’extérieur, devant le porche à colonne du fameux théâtre des banderoles tenues par des “indignés“[3]…Nul en fait ne se sentit l’humeur de brocarder qui que ce soit sur un choix que le chef d’orchestre Daniel Barenboim expliqua lors du premier entracte :

Nous donnons Lohengrin ce soir en ouverture car nous sommes encore en 2012 et nous aurons toute l’année prochaine pour commémorer Verdi.

En fait ,en Janvier sera donné le Falstaf.

La  représentation retransmise par ARTE devant durer cinq heures car  chaque entracte nous réservait les entretiens avec Daniel Barenboim, le calamiteux metteur en scène Claus Guth et le très séduisant ténor allemand idole de l’Italie mélomane Jonas Kaufmann.

On ignore les motifs  réels qui éloignèrent Ann Peterse,puis Anja Harteros  de la production, mais le rôle d’Elsa de Brabant fut relevé en quelques heures par Annette Dasch, le protagoniste de ce même rôle à Bayreuth depuis trois saisons au fameux Festival Wagner.

Sans ambages, l’Ouverture de la Scala ne se laisse pas passer ! Il fut un temps où nous ne laissions jamais passer… Mais viennent les années moins favorables à ces courses que l’on entreprend, à deux ou plus, lorsque le cœur  suit ! Que dis-je précède. Partir à quatre heures du matin en voiture pour joindre Milan ! Se reposer à l’arrivée jusqu’à l’entrée dans le Temple. Assister et débattre. Dîner dans une de ces “caslingue“ ou Trattorie autour .Quelques heures être Italien presque d’avantage que l’autochtone !

Rencontrer la neige à la sortie en riant. Et à nouveau à l’autre petit matin  rentrer en se passant le volant, dans la nuit afin de se présenter au bureau à l’heure dite !

Désormais, y assister dans son fauteuil sans prendre   sa valise et  quels que soient les merveilleux souvenirs encore vivaces, relève du miracle.

Pour une spectatrice de longue date doublée d’une journaliste musicale, les milanais se sont donc montrés raisonnables en cette très soirée essentiel qui revêt l’importance d’une cérémonie .Cérémonie traditionnelle en effet incontournable, très prisée comme rendez-vous  culturel, mondain, social et national .En Italie l’Opéra le dispute largement aux match de foot  pour la fréquentation et la qualité. Il le dispute largement à la Messe !

Donc Lohengrin sous les ors et les rouges du théâtre le plus prestigieux du monde .Ne ne revenons pas sur le livret dont très récemment je vous ai présenté largement toutes les données.[4]

Cinq rôles qui ne souffrent aucune négligence. Des chanteurs de haut niveau musical et théâtral  , capables d’aligner une technique et dotés de moyens physiques naturel conséquents. L’ennui est que désormais le public en sait de moins en moins sur le chant et la musique. Et plus grave encore le directeur de la Scala et Monsieur Barenboim sont bien loin de discerner les chanteurs compétents. De toutes manières pour accepter de chanter dans une mise en scène comme celle-là il faut avoir besoin de son cachet ! Certaine soprano aujourd’hui parfaitement capable de chanter Elsa préfère donner des cours de chant chez elle que de se fourvoyer ici !

Le premier hic de l’affaire s’avère la présence surprise d’Annette Dasch qui malgré des efforts méritoires n’a pu nous donner qu’une interprétation vocale et musicale insuffisante au regard de l’exigence de la partie . Soprano léger à l’ambitus moyen, d’une largeur moyenne, elle se trouve à l’aise dans La Finta Giardinera de Mozart, rôle qu’elle chante à Berlin en ce moment. La dynamique , le souffle et la puissance  de l’émission  sont corrects mais sans aucune dimension théâtrale.  Les  emplois de soubrette lui vont à ravir , ce que j’ai déjà laissé entendre lors d’autres commentaires sur la dame. Elle ne mérite donc les applaudissements  que d’encouragement-pour sa venue la veille dans la nuit- et son remplacement .On lui souhaite de  rencontrer un professeur qui lui permette de hisser sa voix à d’autres hauteurs  , de la travailler en soprano lyrique, voir en bel canto. Si ses capacités de base le lui permettent.

 

Puis ,voici  le point de mire de la représentation : Monsieur Jonas Kaufmann, dans le rôle principal Lohengrin héros et héroïque. Adulée des dames en général ! Certaines prennent l’avion pour le rejoindre à un récital (lied), de Nice à Berlin ! Et ce, bien qu’ à  écouter Christophe Pregardien dans ce répertoire on demeure sceptique  à l’entendre dans ce genre de “sport“ qu’ il peaufine d’un  certain humour de crooner  qui lui sied à ravir…Tout de même !Ce bel artiste ,en  cultivant un style un peu moins décontracté approfondirait  mieux une technique qui demeure inférieure à  de remarquables atouts et  capacités naturels .Le souffle  est loin de lui assurer une quinte aigu claire et triomphante. L’émission manque de souplesse. L’ensemble du phrasé et de la phonétique manque de naturel  comme d’être travaillé afin d’obtenir cet élan irrésistible qui fait s’élever l’âme et le cœur du chanteur…Et du spectateur. Un chant marqué par la tentation  d’épaissir le timbre et le medium au point que le registre de tête est tronqué, plus proche de celui de baryton que de helden tenor…on le remarque dans le duo de la chambre, il allège, pratique la demi teinte d’un volume de voix en chute [5]plutôt que de chanter piano. Les nuances Monsieur Kaufmann ! Les nuances je vous prie.

Quant au jeu, à la façon d’interpréter le chevalier du Graal. Jonas Kaufmann présente un beau physique, avantageux mais sans véritable élégance qui s’  accommode peu ou pas [6]de la  présentation imposée par la mise en scène crétinisante de Monsieur Guth. Recroquevillé en position fœtale sur lui même, au sol et mimant un “imbécile béat“, est - il le cygne !?Ou bien devient-il le cygne ? On nous dit qu’il se cherche ! Je pense qu’il cherche sa partition musicale à certains passages. Autrement dit R.Wagner oublia  d’écrire suffisamment sur ses œuvres pour expliquer autre chose que ce qu’il écrivit ?

On saisit mal de quelle façon Kaufmann dans un tel accoutrement   peut figurer un Chevalier en mission de sauver une innocente imprudemment tombée sou les charmes des servants des Dieux Chtoniens ou nordiques et prendre la tête des armées du Brabant face à l’ennemis.

Et puisque nous sommes en Italie, sans vouloir me plonger dans des regrets inutiles ,je rappelle que l’un des ténors ayant chanté ce rôle à la Scala  fut Aureliano Pertile qui se rapproche d’avantage de Klaus Florian Vogt, le Lohengrin en 2011 et 2012 de Bayreuth.

Voyons le couple Ortrud Evelyn Herlitzius et Telramund, Tómas Tómasson. La première, plutôt faite pour le rôle de Brunhilde qu’elle chantait avec assurance et  un naturel fulgurant indomptable il y a une dizaine d’années à Bayreuth, se retrouve avec quelques problèmes de justesse-deuxième acte et dernier acte dans l’invocation aux Dieux- dans ce personnage de sorcière  joué presque aphone par instant .Le second avec des hauts et des bas vocaux. Les passages les mieux chantés sont en fin de présence.

Enfin René Pape en Roi Henri. La voix de basse-je dirais Baryton Bass- n’a plus les harmoniques naturellement bien ourlées des débuts de carrière. L’émission est rogue, parfois un peu  adoucie, mais le timbre vieilli. Nous sommes à cent coudées  d’une véritable basse chantante, même pour la profondeur.

Le héraut Zeljko Lucic devra aussi retrouver un professeur qui lui apprenne à faire sonner son chant et non pas à hurler des notes au hasard.

La mise en scène nous conduit d’un intérieur de caserne du XIX° pour les deux premiers actes. Les soldats de Brabant qui doivent affronter un ennemi coriace sont en chapeau haut de forme et déroulent eux même le tapis rouge…Et cent détails aussi débiles les uns que les autres dans cette boîte à chaussure.  Un chant de maïs ou de chanvre pour le troisième acte. Lohengrin et Elsa  s’apprêtent à faire galipettes sur un ponton étroit .Puis ils ont les pieds dans l’eau. Enfin le cygne est dans l’imagination des uns et des autres, seul le petit Gottfried passe dans les scènes avec une aile sur le bras gauche.

Daniel Barenboim à la tête d l’orchestre de la Scala, Une direction inégale  parfois il  fut difficile de saisir les  plans  sonores  en harmonie, les pupitres solistes et même les voix étant les uns sur les autres en complet désordre .Puis retour à  des temps  plats et semblait en place, mélodies, envolées lyriques. Les  ensembles de voix et les solis dans le focal… se débrouillent comme ils peuvent. Les chœurs assomment l’orchestre tant il est amaigri de jouer comme du Donizetti ! Les pupitres de violon, violoncelles et contrebasses mous dans les deux préludes ! L’entrée des choristes décalée. Et comme d’habitude avec ce chef des lenteurs inexplicables, un manque de rigueur dans l’enchaînement des rythmes et des tempi. Une absence totale de tentative, d’investissement de devenir un orchestre en fusion capable d’enlever une représentation !

Avec Wagner et avec Lohengrin c’est un comble.

La personnalité de Daniel Barenboim pianiste  de rêve et homme politiquement engagé au bénéfice de la paix ne doit pas nous faire oublier quelle que soit notre admiration que, prenant la baguette que chef d’orchestre il ne convainc  pas toujours.

Voici une Ouverture de la Scala d’une médiocrité convenue, dans le goût des gens qui viennent là pour se montrer et montrer leurs bijoux et toilettes comme dans une vitrine .Il est regrettable que dans une  période de crise financière comme celle que traversent de nombreux pays et surtout peuples ,il se trouve encore des politicien pour abonder dans le sens d’organisateurs de théâtre peu scrupuleux  pour gaspiller l’argent des contribuables à de telles fantaisies.

Amalthée

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Les deux hommes sont nés en 1813 et nous commémorerons cet anniversaire en parallèle l’an prochain.

[2] Dont le  très célèbre chef d’orchestre R.Muti actuellement à la tête de l’opéra de Rome.

[3] Nous refusons de payer votre crise

[4] Commentaire au sujet du DVD parus chez Arthaus musik

[5] Considérablement diminué par rapport à son Don José de 2010 ici même

[6] À cette hauteur d’engagement je me demande si ce Monsieur doté d’une capacité vocale tout de même remarquable se rend compte du ridicule dans lequel on le fait œuvrer ?

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

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