Une certaine raison de vivre

Ce roman dont l’auteur dit qu’il doit son inspiration à Jean Giono, me semble également fortement  subordonné à  la situation de la Terre et les périls climatologiques  et écologiques, dont les humains sont responsables et qui nous sont proches.

Philippe Torreton comédien, acteur de cinéma et courts métrages  (55 ans) nous a souvent montré [1] avec talent  [2] les valeurs qu’il partage. Je me souviens de son admirable interprétation de Henry V de Shakespeare [3] avec le même bonheur que j’ai lu son récit. Ce livre est d’une intensité émotionnelle prenante. Le sujet, sympathique, entraine dès les premières pages pour ce qui semble l’ anecdote heureuse d’un retour aux paysages de l’enfance. En réalité , voici la trace d’une part de vie. Bien plus ! Une  plongée abyssale au creux de l’attente involontaire d’un être, à trouver “une raison de vivre“.

Un être affecté d’un total manque d’intérêt pour l’existence comme pour l’argent ou la renommée. Son  long départ  jusqu’à l’âge de quarante ans est marqué au fer, par l’ appel et sa présence obligée à la guerre de 14. Il en ressort physiquement en apparence indemne. Il est même beau et plait aux femmes qui le recherchent et bon pour quelques actes de la vie courante. Mais ce qu’il a vu et ceux qui sont morts à ses côtés sous la même pluie d’obus et de mitraille, et  les conditions, les détails de ce que fut cette “boucherie“ l’ont marqué d’une atroce blessure. Son âme, son cœur, ses pensées et son esprit , tout ce qui en lui serait capable de sentir ou ressentir, autre chose que son mal-être, sont en état d’ inertie. Sous la cloche muette de son inqualifiable souffrance. Il  paraît tout à fait dénué d’une volonté de bâtir sa vie, même de la suivre !  Une seule échappatoire, il écrit… de la poésie et du théâtre. Et le choix que fait  une femme riche tombée amoureuse de lui et de ce qu’il écrit en l’épousant, faisant tout pour qu’il sorte de cet état d’ankylose lui passe presque complètement au dessus…Comme autant de perdreaux à l’automne dans un ciel d’orage. Il subit, souffre lorsqu’elle manque mourir mais ne se révolte pas lorsque la famille le replace dans sa situation antérieure…Presque de clochard !

Seules les escapades rares vers sa colline d’enfance où vit le berger planteur d’arbres éclairent le parcours de cet indifférent. Il faudra l’autre guerre [4], la suivante pour que des  évènements le secouent et qu’il ait soudain un rôle à jouer, une pièce de théâtre à faire jouer et un être démuni à sauver. Ainsi se rendre à  suivre la leçon de son berger lui ayant laissé, implicitement une tâche à accomplir.

Comme presque tous les enfants né au début du siècle dernier Jean est arrivé au monde chez des paysans. Des gens de pays. Gamin il a grimpé partout dans des monts de moyenne altitude comme ceux que Jean Giono et d’autres ont décrits. [5] Je connais ce pays pour l’avoir habité et pour aimer  ces Alpes déclinantes de Haute Provence et Luberon vers la méditerranée. Il y eut des charbonniers qui coupèrent tant qu’ils purent sans replanter pour vendre du charbon de bois. Peu à peu on a revu des arbres sortir de terre. On y surveille les départs de feu car il n’y a plus de troupeaux de chèvres ou de brebis pour manger la broussaille, comme il n’y a plus de berger. Un jour il faudra que reviennent les bergers ! Pour que cessent les feux dévastateurs d’arbres.

Découvrir  la  Plume incisive et raffinée de Philippe Torreton , ne peut qu’enrichir et réjouir, voir consoler, ceux et celles qui cherchent dans la lecture autre sujet que le lit du dessus et celui du dessous accompagné de fadaises policières ou politique!

L’ analyse psychologique authentique et  le naturel retrouvé au sortir de l’étude, s’inscrivent avec un style direct, franc, vigoureusement excellent et riche en vocabulaire.  Véridique, pour certain monologues au raz du langage parlé du petit peuple d’autrefois en la circonstance. Seule façon crédible de marquer son territoire d’excellence.  Il faut accepter d’être  bouleversé par ces pages . On peut ainsi non seulement comprendre à quel point certains être ont souffert…Sans le hurler à leur profit. Et aussi qu’ils sortent un jour par le haut de la souleur. Savoir le dire   appartient à ceux qui aiment et connaissent le travail que nous devons à la nature et son appel  à l’aide. À ceux qui possèdent comme trésor des souvenirs d’enfance et qui sauront y revenir.  Aux  esprits  constructifs qui refusent de manière persistantes  les modèles de vie préfabriqués  sans réfléchir . À ceux qui ont de la trempe et du caractère, une âme vaillante.

Un bouquin magnifique !

Amalthée



[1] Également homme politique

[2] Comédie Française

[3] festival d’Avignon et Télévision

[4] 1940

[5] il ne fut pas le seul et j’espère que nous connaîtrons à nouveau des hommes et des femmes pour y revenir.

 

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Hélène Cadouin
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