Le Ring pétrole et plastiques

Ou la Dérision prise au sérieux 

 

Le Prologue  L’Or du Rhin

Nous sommes donc revenus sur les rives du Rhin ayant débordé jusqu’à la route 66 qui du nord au sud glisse le long des USA pour briller d’un éclat mortifère en Californie .Les Filles du Rhin sont des “poules“ de Motel et Erda une maquerelle portant manteau de renard blanc. Les géants sont des mécanos et pompistes. Alberich un “ pigeon “ qui joue avec des canards en plastique  en attendant les faveurs de ces dames…

Frank Castof  (metteur en scène) de cette production  de   2013[1]  dénonce le capitalisme universel et la mondialisation 

 D’une manière incisive, cruelle, perfide et qui se voudrait dérisoire. Rothschild aux États Unis comme en Russie et les frères Nobel également sont ici clairement pointés du doigt, comme ayant tiré d’énormes sommes des extractions pétrolifères en provoquant une exploitation de l’homme par l’homme pire que l’esclavage agricole. Nous savons que derrière ces milliardaires les régimes soi disant populaires ont été capables d’accoucher de monstres dictatoriaux qui ont saigné à blanc le petit et le grand peuples ! Pour ceux des spectateurs n’ayant pas appris une ligne d’histoire …Voila qui les formera ! Leur donnant peut-être  une idée de qui déclare les guerres et en profite et pour qui ils votent sans le savoir !

Première journée

La Walkyrie située  aux abords  de Bakou en Azerbaïdjan. Évocation  du premier puits d’extraction mécanique[2], nous sommes au cœur du système industriel broyeur d’hommes que les “communistes “en peau de lapin des années 70 tardives ne souhaitaient pas évoquer lors de mises en scènes soi disant dépoussiérantes et politiquement correctes. Ici on sent la main mise par le personnage de Hunding sur la femme Sieglinde et la vie de chacun au moyen de l’argent sous le couvert de la secte religieuse méthodiste.

Deuxième journée

Siegfried. À la file pour immense et écrasant décors ,une falaise de roche  beige soutenu et des têtes sculptées-copie des statues de JohnGutzon Borglum au Mt Rushmore(USA)[3].Ici  celles de Mao tse toung, Staline , Lénine hier magnifiés comme sauveurs  des peuples  aujourd’hui  presque déboulonnés et critiqués… Dérision. Tous dans le même sac. Tel est notre avis qui d’expérience voyons les simagrées des théâtreux “universels“, s’affronter comme jadis les sujets de l’empereur byzantin discutant du sexe des anges alors que les turcs de Mahomet II allaient fondre sur eux, les massacrer  et mettre fin à l’Empire byzantin.

Troisième journée

Le  Crépuscule des Dieuxoccupe Alexander Platz à Berlin. Une fontaine aux  crocodiles s’y trouve. Le crocodile étant le symbole du capitalisme parvenu à son point de total acharnement et dictature aveugle. [4]La scène d’accordailles Siegfried/ Brunnhilde s’y déroule. Le couple mange Pasta et Pizza tandis que les crocodiles en plastique[5]  se répartissent  autour d’eux.

À la fin le fameux Anneau forgé par Mime et appartenant à Alberich “le Nibelung“ est rendu par Brunnhilde aux Filles du Rhin qui le jettent dans les flammes d’un haut bidon bricolé en brasero de fortune !

Hagen poignarde Siegfried dans un fond de baraque en bois.  Et  le cadavre est mis dans du plastique ! Tout se termine sans grandeur ni faste. Partout des actions interrompues, des envolées qui se brisent. Tout est brocardé, rien n’existe plus de la nature, des arbres, du soleil et des murmures du foret chers à Wagner.

Cette année j’ai saisi, soudain terrifiée, à quel point le pessimisme de Wagner est ici même livré à la plus violente et décapante des interprétations.  Le message d’espoir que le compositeur inscrit dans sa musique en fin de partition [6]n’est plus sur scène…où tout est livré à la destruction sournoise d’une transformation de l’être humain en mécanique sexuelle jouissant du Coca cola, du pétrole et du plastique ! Cherchant en vain dans ce fatras de marchandises laides et sans utilité  la face sublime des évolutions.

On n’aura vu qu’un oiseau du foret à l’allure superbe d’ailes en éventail qui s’accouple avec Siegfried… Et l’on sort de là en se souvenant des subprimes qui ont conduits  les américains de situation modeste à la rue et les petits prêteurs à la ruine de leurs économies ! Le capitalisme est devenu un crocodile qui a mangé les autres crocodiles et qui désormais pourra manger seul sans concurrence les petits poisson jusqu’au fond des océans qu’il videra jusqu’à la fin de l’humanité !

Les huées se sont élevées …l’année prochaine il y aura toujours autant de monde à Bayreuth.

Point très positif pour les amateurs de chant la  refonte  d’une partie de la distribution vocale.

Le Wotan Ian Peterson de l’Or du Rhin fut franchement mauvais. Par bonheur le baryton suédois  John Lundgen fut celui de la Walkyrie et le Wanderer  de Siegfried. Alliant une voix puissante qui tranche au dessus de l’orchestre avec une énergie musicale impeccable et un sens inné du sens du drame il a su traduire en les transcendant même parfois l’orgueil, la fatuité, la brusquerie, la violence conquérant et autoritaire comme l’abandon désespéré de ce Dieu foudroyé par ses propres actions. Brunnhilde  confiée pour la quatrième fois à l’anglaise Catherine Foster chante toujours le rôle en fille obéissante et en soprano lyrique. Peu d’émotion, peu d’engagement. Elle est belle en scène chante sa partition mais elle ne saura jamais exprimer autre chose que des sentiments fades et communs là où l’on attend un caractère à la dimension d’une déesse.

Fricka  Sarah Connolly qui dans l’Or du Rhin se montre sans intérêt explose dans la Walkyrie. Toutes  qualités vocales développées à leur meilleur niveau et une diction, un phraser comme un sens du drame parfaits.

Christopher Ventris [7]en Siegmund  nous a émus aux larmes… La voix claire et timbrée sans surcharge, une technique vocale  maitrisé, le galbe et la gaine vocales intégrés à un chant intelligent. Le mois qui s’achève le trouvant en meilleure posture qu’aux premières représentations. Sans doute le souvenir de Johann Botha qui nous a quitté le 8 septembre dernier  et qui le précédait dans ce même rôle les années précédentes  est-il encore présent dans notre mémoire. Tous deux ont réussi à donner à ce personnage si malheureux une dimension humaine parfaite, dense et dramatiquement imposante sans sanglots superflus.

Retour à Bayreuth de Albert Dohmen dans le personnage éclatant de noirceur Alberich. Face tragique de ces quatre jours du Ring , Alberich est Le Nibelung, le possesseur de l’Anneau, qui cherche à le reprendre alors qu’il lui fut dérobé par Wotan et Loge ( l’Or du Rhin).Il fut Wotan sur cette scène de Bayreuth. La voix sombre semée d’éclairs est cependant déliée  et souple, les graves secs lorsqu’il le faut mais chantants si la partition l’exige. L’amplitude et la force de la prosodie sont d’une voix instrumentale soignée. Voici un Alberich de grande stature…Dans sa scène avec Wotan (Siegfried) il devient monumental ! Alors que dans l’Or du Rhin il sait jouer les “amoureux tendres“ avec les Filles du Rhin et parvenir à ne jamais être ridicules.

Le Siegfried de Stefen Vinke nous rend ces représentation à leur beauté originelle…Un timbre solaire, une technique vocale digne du chanteur de cantates qu’il fut. Un respect et une obédience au texte qui font que l’on saisi ce qu’il exprime e communiant avec lui.

Une brusque  élégance naturelle d’allure dans ses moments de montreur d’ours cruel. Il possède ce rôle à la perfection et nous en a donné une vision et une audition à ce jour incomparable.

 Terrifiant Hagen comme il se doit avec la voix retentissante de  Stephen Milling  donnant à son appel aux vassaux (Crépuscule) des allures de meeting politique des années terribles.

Marina Prudenskaya campe une superbe Waltraute  dominant de sa présence, du mordant ample, libre, tendu  de sa déclamation fortement assénée   la scène face à Brunnhilde.

Autre personnage clé, le Mime de Andreas Conrad. Chanteur railleur…ténor lyrique qui assume une partie vocale étirée, contrefaite …pleurnicharde et soudain grimpant aux cimes  du lyrisme. Rôle de composition pour lequel l’articulation et les attaques vocales fusent, étudiés et dosées à la perfection. Nous avons souvent de la chance avec Mime, généralement ne s’y risquent que les bons. Ici Conrad est exceptionnel.

Ample et vocalement plaisante est la Sieglinde (Walkyrie) de Heidi Melton qui, cependant au troisième acte manque un peu de souffle pour l’incantation précédant son départ.

George Zeppenfeld  est un Hunding de bonne composition et vocalement valable, il ne fera oublier personne .Le rôle est court .De plus  le chanteur assume Gurnemanz dans Parsifal, ici même ! On comprend que le chanteur se soit ménagé pour ce grand rôle.

Tous nos regrets vont au changement de la direction d’orchestre.

Kirill Petrenko ayant renoncé pour cette année c’est Marek Janowski qui le remplace.

Sans commentaire par égard à la carrière de ce chef âgé de 78 ans  aujourd’hui et qui ne suit pas apparemment le chemin de ses glorieux ainés. Une direction de fonctionnaire : plan plan. Des moments ennuyeux, des passages au cours desquels les chanteurs ajustent tout seuls.L’ensemble de peu d’intérêt.

On espère mieux pour l’année prochaine.

Amalthée

 



[1] Deuxième centenaire de la naissance du compositeur,

[2] 1847

[3] G.Waschingron, T.Jefferson, A.Lincoln, T.Rooswelt

[4] Je renvoie à l’article sur Media part Sur la forme ultime du capitalisme très intéressant à ce sujet de concordances avec cette mise en scène

[5] Le crocodile est maître des mystères de la vie et de la mort, le grand initiateur, le symbole des connaissances occultes, la lumière alternativement éclipsée et foudroyante. Pour les égyptiens il révèle des forces obscures et sombres. Il avale le soleil et le rejette le jour. Il est associé aux forces primitives

[6] Recommencement jusqu’à l’infini

[7] Il fut le précédent Parsifal et il est très aimé du public à juste titre.≠

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Hélène Cadouin
dite "AMALTHÉE"

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