De Richard Strauss
Le temps est un joueur avide…
Charles Baudelaire
La scène se déroule à Vienne au 18e siècle[1]. Richard Strauss et le poète librettiste Hugo von Hofmannsthal s’inspirent des Aventures du Chevalier Faublas [2]de J.B.Louvet de Couvray. La pièce, équilibrée, aux personnages nombreux mis en place avec sagacité et soin bénéficie d’une distribution et d’un contenu des rôles raffinés, remarquablement intelligents sur le plan psychologique et humain.
L’opéra est créé en décembre 1911 à Dresde capitale de la Saxe, au théâtre royal [3]sous la direction du chef Ernst von Schuch. Un immense succès que connaitront plusieurs années après la guerre, Monte Carlo 1926 et Paris 1927.
La partition de Strauss d’une superbe réalisation lyrique possède des airs aisément mémorisables, des envolées étirées étendues à l’infini nerveuses et souples, un jeu de thèmes enlacés, imbriquée et confrontés parfaitement vertigineux. Le compositeur aboutit à un apogée de la musique théâtrale lyrique embrasssant par son style libre et solide, les cinq siècles d’opéra qui l’ont précédée. La richesse de l’orchestration appartient au monde du 19e siècle, avec tous ses nouveaux pupitres voulus et installés par Strauss et l’argument vient directement de l’esprit galant du 18e . Il tient totalement compte , comme chez Mozart et Da Ponte, du tempérament et des caractéristiques individuels des personnages. La partition musicale répond au livret comme chez Wagner.
Et de plus, c’est un opéra de femmes ! Le traitement des voix féminines complet est prodigieux :
un mezzo soprano ,androgyne dans la tradition des castrats du “baroque “ pour Octavian, un soprano lyrique et intense ,de haut vol, pour la Maréchale, un soprano colorature soutenu pour Sophie et pour le reste de la distribution une variété de couleurs et de tessitures enchanteresse.
Avec Electra et Salomé ses premiers grands succès Strauss comme dans ses poèmes symphoniques avaient brisé les moules une fois après Wagner. Avec le Chevalier il reprend la marche d’une tradition gluckiste dont Mozart a porté le modèle à sa perfection. En fin de carrière il aboutit ce projet avec Capriccio , la convesation musicale qui répond au Chevalier à la Rose dans la lignée des œuvres théâtrales de Strauss. Et sans imiter Mozart, mais en le magnifiant, il parvient à camper un reflet lointain de Comtesse, poignante dans sa résignation à accepter “le temps altérant “les plus belles amours , un descendant de Chérubin (Octavian) ayant mûri en quelques heures etc.
Le Chevalier à la Rose fait l’unanimité. Il est presque impossible de ne pas aimer cet opéra qui rendit son compositeur absolument célèbre.[4]
Les représentations de l’opéra de Zurich permettaient à la grande soprano russe Krassimira Stroyanova, la Maréchale, de déployer la jeunesse et la qualité pulpeuse de son timbre comme la pureté d’une ligne vocale impeccablement gainée et soupe. Amplitude et force des aigus lui permettent tout au long d’une ample tessiture d’aligner un phrasé doublé d’une prosodie riches d’expressions modulés à la perfection. Cette Maréchale possède le charme et la profondeur d’un caractère de femme aimante, sensuelle et noble. Sa personnification dotée d’enchantement mêlant émotion, ferveur et dignité la place désormais au premier rang des interprètes de ce rôle emblématique.
Pour Octavian, Anna Stephany répond à merveille à ce rôle spirituel, intelligent et délicat. La voix souple au timbre pulpeux sonne et résonne à la fois ! Dans des accents variés et riches. Elle passe l’orchestre avec ferveur, conviction et joue à merveille ce rôle d’homme jeune encore marqué d’incertitudes entre l’amour doux et l’amour conquérant, irrésistible.
Enfin Sophie avec Sabine Devieilhe qui aborde là un rôle où tout le monde l’attend ! Sophie, une partie haute et liquide certes mais avec un certain appui dans la prosodie et un caractère rebelle dans la conception. Oie blanche pour les uns, mais qui connaît sa valeur. Et qui doté d’une technique, un cran et une assurance stupéfiants parvient à tenir haut la voix ce pari un peu fou : chanter Strauss en étant encore très jeune, à la sortie de rôles tout de même légers. La voix a grandi ! La cantatrice a mûri. Le caractère a pris de la densité devant développer des accents intenses pour affirmer une décision inattendue : refuser le rustre imposé par papa !
Une belle prestation pour la française qui manie poésie, vivacité et émotion avec un bonheur de chanter bouleversant. Le troisième acte. Pour ces trois dames atteignant le bonheur de l’écoute comme on s’y attend.
Enfin personnage haut en couleur et point de mire masculin Le Baron Ochs interprété par Christoff Fischesser. Il porte vigueur et jeunesse sur un visage sympathique et franc. La voix est somptueuse avec des graves limpides, des harmoniques de cantor d’église pour chanter Bach et quelque chose dans la prosodie de raffiné et coquin qui séduit. Un Baron Ochs qui en cache un autre. Plus près d’un Octavian ayant pris de la bouteille que du traditionnel “paysan du Danube“ et autre “ours mal léché “ habituels.
Proche, très proche d’un gentilhomme à la française.
Le reste de la distribution est parfait et Fabio Luisi (le chef) d’une attention absolue aux chanteurs et capable d’envolées magiques avec ses musiciens.
La mise en scène de Sven Eric Bechtolf manie les plusieurs époques, 18e, modern style pour les vêtement et période de Strauss avec à propos pour créer un univers élégant en dehors du quotidien afin de conter cette histoire intemporelle où l’amour, le temps qui passe, nous blesse, nous étourdit jusqu’à avoir raison jouent avec la vie et nos destins entrecroisés qui s’imposent.
Un soirée hors du temps pour nous spectateurs qui nous laissent la joie au cœur. Et c’est cela l’essentiel pour cet œuvre incomparable.
Amalthée
Argument
La Maréchale, princesse de Werdenberg se réveille dans ses somptueux appartements. Un tout jeune homme Octavian à ses côtés murmure…Instants brefs, échange de mots délicats qui ferment une nuit d’amour enchanteresse.
Mais les bruits de la vie d’un “grand train de maison“ troublent ce silence, dispersent les impalpables brumes du plaisir et des sentiments.
Le petit déjeuner apporté par Mariendel …Octavian ne pouvant fuir revêt des vêtements appartenant à la soubrette ! Le monde arrive…
Coiffeur, il est aussi perruquier. , la modiste, les personnes qui en appellent à la générosité de la Dame et aussi, aussi son cousin. Son cher cousin le baron Ochs von Lercheneau…
Il vient expliquer sa position de gentilhomme désargenté, fané d’allure, hâbleur, discourtois sinon crûment impoli, prétendant à la main de Sophie Faminal, ravissante et demoiselle de qualité dont le père, riche commerçant vient d’être anobli.
Dans l’effervescence de cet attroupement , de ces mondanités et gestes indispensables au déroulement de la matinée chez La Maréchale de Werdenberg , le baron place une demande qui justifie sa présence incongrue à une heure aussi matinale :
Il lui demande un messager, membre de l’aristocratie viennoise, recommandé par la Princesse pour accomplir sa demande en mariage au moyen de l’offrande d’une rose d’argent.
La suite se devine aisément, car le baron Ochs ne plait as à Sophie et le papa menaçant de couvent sa fille devra écouter les conseils de la Maréchale qui sait ce que durent les amours en général et en particulier. Octavian fera un mari charmant à Sophie et la Prncesse de Werdenberg aura d’autres galants.
[2] On peut lire sur internet un article très intéressant pour la connaissance de cet auteur en tant qu’homme politique au temps de l Révolution
[3] L’empire allemand existe encore jusqu’en 1918
[4] lorsque les soldats américains entrèrent dans le jardin de son chalet à Garmisch Pttenkirchen en 1945 , Strauss alors âgé de quatre vingts ans leur dit dans l’espoir de ne pas être maltraité : Je suis le compositeur du Chevalier à la Rose.