Tom Koopman
Claveciniste, musicologue et chef d’orchestre
Soixante dix automnes ! Un cœur débordant de tendresse ,des raisons inépuisables de vivre la musique.
Je l’ai rencontré, écouté souvent. Toujours avec un sentiment de plénitude. Quelques semaines avant le 2 Octobre, il répondait à mes questions en l’honneur de son proche anniversaire.
Tom Koopmann né à Zwolle le 2 octobre 1944 prit les couleurs de la France pour diriger le Festival du Périgord vert, Itinéraire baroque il y a 13 ans.
Avant de parler compositeurs et interprètes, soulignons que le Festival attache une attention particulière à son grand homme de Lettres, dont nous commémorerons le quatrième centenaire, le célèbre auteur des Dames Galantes , Pierre Bourdeille dit Brantôme. Le château qui fut le sien à Richemont reçoit un des concerts de l’Itinéraire.
Tom Koopmann, figure emblématique du renouvellement de l’interprétation des œuvres des XVII et XVIII ème siècles se tourne parfois aujourd’hui vers les œuvres de Schumann et de Mendelssohn et autre classique ou romantique. En réalité, Tom Koopmann bien que féru de musique “baroque“ considère la musique comme universelle dans le temps et l’espace. Schuman composa en visionnaire tel un musicien très en avance de ses contemporains et Mendelssohn a fait revenir le Cantor sur le devant de la scène.[1]
Le jeune Tom Koopman commence très tôt études générales et musicales. Musicologie, clavier, orgue et clavecin, le Conservatoire d’Amsterdam le reçoit en fin d’études et il y obtient les prix de Clavecin et orgue.
Passionné par le répertoire des XVII et XVIIIème siècle il dirige en même temps qu’il travaille comme instrumentiste. Il fonde un premier Ensemble en 1969 qui devient en 1979 l’Amsterdam baroque Orchestra qui cette année fête ses 35 ans justement au cours de ce festival.En 1993 viendront s’y adjoindre des chanteurs pour constituer le Chœur baroque d’Amsterdam.
Bientôt professeur à son tour il enseigne à la Haye. Est appelé à Londres pour des cours et enfin à l’Université de Leyde.
Diriger un Ensemble ne suffit pas. L’expérience des instrumentistes des autres contrées lui devient vite nécessaire, il passera donc quelques temps heureux avec l’Orchestre de Lausanne et sera l’invité de nombreuses formations ayant dans leur répertoire les œuvres qui l’inspirent. Il vient de terminer un séjour entant que chef en résidence à Cleveland (USA)
Au fil des années les plus importantes scènes le verrons s’exprimer quelques fois dans des productions d’opéra. Mais son pari le plus exceptionnel est son intégrale des cantates de Johan Sebastian Bach qu’il réalise entre 1994 et 2004. Vingt années au cours desquelles enseignement, concerts solistes et travail intense avec son Orchestre d’Amsterdam sont allés de pair. Or il lui a fallu, parfois reconstituer des partie manquantes de cette chaîne si importante et ce au prix de recherches poussées et ‘interrogations angoissantes mais toujours enivrantes pour lui, car au bout de cette route escarpée et grandiose la récompense n’a pas d’équivalent pour un chercheur interprète.
Désormais, il s’attache au sort de Dietrich Buxtehude, le compositeur qui précéda J.S.Bach et sa discographie est déjà impressionnante. Il a pour plus de certitude dans la qualité des enregistrements créé son propre Label : Antoine Marchand. Ainsi l’intégrale Buxtehude sera sa double qualité de création
Tom Koopmann fut l’un des instrumentistes qui enregistra avec Erato, maison d’édition fondé par Michel Garcin .
A : L’aventure avec Erato[2] fut exceptionnelle car il enregistra autant de compositeurs inconnus, que d’instrumentistes et chanteurs à leur début mais aussi des artistes de grande renommée qui lui permirent beaucoup d’audace et de découvertes que nous avons partagées.
Tom Koopmann : Je m’en souviens, ce fut merveilleux ! Michel était cultivé et curieux. Lui aussi posait des questions. Ce qui s’est passé ensuite fut très triste…aujourd’hui Erato a été relancé. Mais j’ai fondé ma compagnie…
Itinéraire en Périgord vert, naquit d’un coup de cœur pour une bâtisse en ruine plantée abandonnée sur son champ quelque part du côté de Ribérac. Tom Koopmann pense alors vacances et visite les alentours, et donc les églises romanes .
Tom Koopman : Les églises romanes étaient dévastée, ruinées …les meubles disparus. Le Festival a permis que revivent ces chefs d’œuvres fortifiés par la foi. Les pierres le méritaient, mais les hommes aussi.
A : Pour cette treizième édition les auditeurs unis aux administrateurs et Robert –Nicolas Huet[3] en tout premier lieu fêteront votre anniversaire légèrement en avance. Est-ce une surprise ? Un bonheur ?
Tom Koopman : Les deux. Et surtout le cadeau d’anniversaire que je m’offre : Les Vêpres de la Vierge de Claudio Monteverdi ; Robert est un ami très cher et il sait ce que représente à présent pour moi ce compositeur : le premier dans le temps baroque. Il hérite de la Renaissance et ce passage du Madrigal et de la musique purement Sacrée dans l’Italie du tournant des deux siècles si forte de la musique occidentale. C’est sa première œuvre sacrée et les deux styles s’interpénètrent. Et encore aujourd’hui on se pose des questions sur cette œuvre somptueuse par ce mélange et mystérieuse par son aboutissement. J’aime poser des questions. J’en bombardais mon ainé et maître Gustav Leonhardt. Poser des questions est le seul moyen pour avancer, découvrir et trouver en soi un chemin et même un aboutissement. Je souhaite que le jeune élève d’aujourd’hui pose des questions…Mais ce n’est pas toujours le cas.
Cette année, en plus des concerts, nous donnons les Fables de La Fontaine à l’initiative de Robert… Ainsi, j’apprendrais alors tant de choses de votre langue. Et puis il y aura le Pantaléon de Hebenstreit Le Pantaléon est une sorte de cithare sur table avec un nombre très important de cordes. Pantaléon Hebenstreit (1668-1750) joua de cet instrument par lui même inventé devant Louis XIV. En France le roi nomma lui-même cet instrument le Pantaléon. Entendre cet instrument pour des sonates de Bach est un privilège, c’est assez rare.
A : Vous avez parlé de Jean Marie Leclair et de Mondonville. Du temps d’Erato c’est Paillard et Gérard Jarry qui les enregistrèrent.
Le samedi matin vous donnez un concert et puis vous passez la journée avec le public…
Tom Koopman Je préfère passer une journée en Dordogne avec les spectateurs et les jeunes instrumentistes que de me rendre dans un des Temples de Festivals ici et là pour l’orgue ou l’orchestre. On me connaît, c’est bien et je suis très content. Mais j’ai besoin de repos et de réfléchir et de me projeter dans l’avenir. Après ces quelques jours passés ici je prends des vacances. Je laisse la place aux plus jeunes virtuoses. Ainsi le public apprend à connaître la relève. Passé une journée à échanger les minutes et les heures avec le public c’est du spectacle et du plaisir mais également de la réflexion. Je connais tous ces gens depuis des années et les églises et le château. Et dans la conversation on mélange la musque, l’architecture et la vieille cuisine ! La vie c’est ça ! Une symbiose de plaisirs et de recueillement, de découverte et de connaissances acquises que l’on partage.
Leclair et Mondonville sont comme beaucoup de compositeurs français laissés de côté. Le public doit venir dans des festival “qui ramasse le programme pour écouter et découvrir des soit disant inconnus à côté de célébrités incontournables. Il a l’impression de cette manière d’avoir gagné son temps ! C’est injuste, mais le public n’est pas hardi et c’est normal les temps sont durs. Venir à un festival suppose des sacrifices. .Bach admirait le style français. Leclair jouait admirablement du violon il a laissé un somme importante de concertos.
A. Et une tragédie Scylla et Glaucus.
Tom Koopmann : L’oratorio est mieux mon domaine que l’opéra !
Il se penche sur le clavecin inclinant fortement la tête, pour l’orgue la silhouette est plus détendue mais il semble fragile…lorsqu’il prend la baguette parfois il s’envole et puis non, les pieds sont sur le podium. Son attention n’est jamais prise en défaut, instrumentistes, solistes, chanteurs ou Chœur, il est au centre de cette famille à l’aise, naturel. Il a dans la tête les schémas de départ et au delà de la répétition, son concert demeure une nouvelle aventure. Celle de relire ou découvrir une pièce oubliée ou célèbre toujours avec curiosité et attention. Une pièce, à laquelle il aura cherché à redonner vie selon sa conception : le chemin achevé et l’inspiration première du compositeur.
A : Est-il toujours possible de se mettre dans la position du compositeur et de son librettiste alors que les siècles ont passé ?…parfois plus de quatre comme pour Monteverdi. N’est ce pas un rêve, ne serait-ce que du point de vue de l’instrument et de leur facture ou même de ceux qui les jouent ?
Tom Koopman : Mon maître Gustav Leonhardt avec lequel je suis entré [4]en musique-en tant qu’étudiant- et d’autres musiciens et musicologues tel Harnoncourt, Deller, Kujken etc. appelés les “baroqueux“ répondent à cette question depuis une quarantaine d’années. Chaque interprétation fut un pas vers la découverte et la relecture parfois…
Nous cherchons non seulement à faire revivre des partitions oubliées, perdues ou retrouvées en demeurant des élèves, mais nous avons aussi permis que des facteurs fassent revivre les instruments qui existèrent aux différentes époques de composition.
En fait le très jeune Tom Koopmann a cherché l’exceptionnel, l’inconnu et même l’oublié ! À présent il peaufine son intégrale de Buxtehude et nul doute qu’il envisagera ensuite un autre exploit.
[1] Mendelssohn 1809-1847 fit jouer la Passion selon saint Mathieu de J.S.Bach dans une version qu’il orchestra lui-même. 1829
[2] Le renouveau baroque dut beaucoup à cet éditeur.
[3] Directeur fondateur du festival Toujours en poste
[4] G.Leonhardt 1928-2012 né à Amsterdam voir article en sa mémoire (1er trimestre 2012) surnommé pape du baroque pour ses recherches, sa collection d’instruments anciens .Eut pour élèves de très grands solistes dont Tom Koopman.