Toulouse 

Un Bal Masqué de Giuseppe Verdi

Le théâtre est masqué. Sinon pas de théâtre.

Riccardo (Ténor), gouverneur de Boston a pour ami et conseiller (Renato) Baryton époux d’Amelia. Riccardo et Amelia s’aiment. Secrètement.

Le peuple aime son souverain, calme et entente régent en ces lieux. Nulle idée politique dans cette pièce comme ne l’affirme Verdi. Oscar est le Page de Riccardo il est chanté par un soprano féminin. Des conspirateurs  projettent l’assassinat de  Riccardo. Ulrica est une pythonisse, d’origine tzigane probablement, qui prédit l’avenir, elle a bonne réputation et nombreux sont ceux qui lui rendent visite. Mais elle gène terriblement les corps établis comme l’Église et les tenants de la bonne  société. Les conspirateurs  refusent tout changement dans l’ordre établi.

 

On demande à Riccardo de condamner Ulrica à quitter Boston. Plutôt que de prendre une décision aussi lourde pour lui il se rend chez elle. Il découvre Amelia avouant son amour pour lui et son projet sur l’instigation d’Ulrica de cueillir en un lieu sinistre une plante destinée à lui faire oublier cet amour coupable.

Riccardo au mépris de toute prudence suit Amelia dans son excursion et ils s’avouent leur amour en un duo d’une extrême beauté musicale et poétique.

Les conspirateur et Renato surviennent. Riccardo doit fuir et demande à Renato de reconduire la belle inconnue masquée .Malheureusement Amelia contrainte de lever son voile est reconnue de tous< ; Renato décide de la tuer pour  venger son honneur. Amelia supplie, Renato  rejoint alors la conspiration. Il  porte le coup fatal à Riccardo  qui reste son ami jusqu’à la fin   en lui annonçant avant de mourir qu’il le renvoyait en Angleterre et que son épouse ne l’a nullement trahi.

 G.Verdi en 1857 se propose d’honorer la commande de l’opéra de Naples il trouve le sujet retraçant en le romançant l’assassinat de Gustave III de Suède à sa main.  Le français F.Auber   a,  sur le livret de Scribe,  donné  une partition de qualité qui rencontra un succès non négligeable. G.Verdi et son librettiste Antonio Somma  bâtissent un drame lyrique  assez différend de style des premiers grands chefs d’œuvres du maître : Rigoletto, Traviata et Trouvère. Nous ne sommes plus dans le grandiloquent, post romantique, mais dans la douleur et l’égarement d’une passion pure et retenue. Et, quoique capable d’éclater elle n’aboutit qu’à la mort et au sacrifice  mais sans avoir éclaboussé les mœurs.

Mais Naples vivait encore au temps ancien .L’œuvre achevée la censure intervient : impossible de narrer sur une scène italienne le meurtre d’un roi. Il faut changer de sujet ou changer de lieu et d’époque.

C’est donc à Rome que Verdi donnera Un Bal masqué avec non plus Gustave III en victime d’un complot, mais RiccardoComte de Warwick, tombant sous les coups d’une conspiration à laquelle par jalousie aveugle se joint au dernier moment  et au cours du bal prévu par le Gouverneur, l’époux  d’Amelia  et meilleur ami de Riccardo, Renato.

Depuis le temps a jeté son manteau  sur la censure et si elle subsiste souvent en matière politique  ou religieuse, dans bien des cas on préfère la désinformation et le bourrage de crâne à l’opposition ouverte.

L’œuvre  se donne soit dans la version  originelle qui causa tant de soucis, ainsi à Orange l’année passée [1] et depuis quelques temps en d’autres lieux. Mais Toulouse a préféré donner la version de la création dans une mise en scène signée Vincent Boussard sur des décors de Vincent Lemaire avec les costumes de Christian Lacroix. Une équipe française pour cet opéra teinté de l’esprit des Lumières, car Gustave III est assassinée par des réactionnaires abhorrant toute  réforme en Suède. Le personnage devenu Gouverneur de Boston conserve cet esprit libre qui entend faire avancer son État vers plus de liberté pour chacun et qui s’estime comme le père aimant de ses sujets.

Une mise en scène sobre, des décors ascétiques dominés par un portrait d’homme très jeune (Riccardo ?), aquarelle utilisant des camaïeux de gris blancs ; bleus verts dilués et mouillés de traces de roses qui demeure en scène, on tient les acteurs serrés dans le drame et met en évidence le sujet crucial : l’amour impassable, réciproque et brûlant de Riccardo pour Amelia. Une différence soulignée avec habileté , Amelia cherche à se dégager de cette emprise, Riccardo dans un premier temps trouve volupté et torture aimable à plonger  cœur et  pensée dans ce rêve impossible au point de presser cette amante si fragile et forte à la fois  en des limites périlleuses.

Le premier tableau est assez lascif et l’on voit une longue et belle jeune femme se déshabiller du costume de Page pour sortir de la chambre de Riccardo. Il est bon de faire comprendre que Riccardo ne s’est pas jeté sur Amelia par concupiscence et qu’il ne dédaigne pas les amusements sexuels de son âge UN premier travestissement qui répond aux habitudes de l’époque voyant une femme portant costume d’homme et en occupant l’emploi. Pour le reste le tableau de la demeure d’Ulrica manque de magie et de mise en valeur de son mystérieux office.

Du point de vue musical Daniel Oren que j’ai entendu de nombreuses fois à l’Arène de Vérone (Italie) connaît cette partition à la perfection. Il lui donne ce coup de fouet magique qui rend l’atmosphère électrique d’entrée de jeu. De superbes envolées solistes, un accompagnement des chanteurs qui leur laissent toute possibilité de s’exprimer et des attaques impeccables. Oren sait aussi attendrir son énergie souvent débordante dans les moments délicats.

Les chœurs parfaitement préparés par Alfonso Caiani donnent un relief et un caractère d’une profonde sensibilité à cet ouvrage très centré sur les solistes.

Il n’avait pas encore chanté en France ! Rôle clé de ce Bal Masqué, le ténor ukrainien Dmytro Popov se révèle superbe et étonnant  par la maturité de son jeu et la beauté éclatante d’une  voix naturellement  amplifiée d’un souffe sans faille, timbrée d’or vif  .Une quinte aigue facile, sans défaut, un phrasé net. Entré dans ce rôle avec aisance, il le porte avec  justesse d’expression, harmonisant  la  vaillance, l’extase à la douleur sans faille. À la fin, il est royal et sait s’effacer de la vie en une mortelle révérence qui  dit que, sans l’amour d’Amelia qui l’éblouit,  la vie ne lui serait plus rien. Tant de talent et de jeunesse alliés à une technique vocale et musicale maitrisée : une belle carrière lui est promise car il possède aussi le don de s ‘émouvoir et de  nous transmettre  cette émotion qui ne s’explique pas. Et tant mieux.

On attendait surtout l’Amelia de Keri Alkema jeune soprano américaine. Une  voix  puissante et belle au legato le legato parfois  irrégulier. Me gène par instant, le manque de nuances expressives  et une propension à chanter en force qui dénature les harmoniques naturelles.

La Mezzo soprano  russe Elena Manistina en revanche a dominé son rôle de Page d’une manière remarquable. Musicienne et bonne comédienne elle incarne un Oscar  dévoué et solide au charme ambigu et prenant. La voix d’un beau timbre doré affiche fraicheur et jeunesse et pourtant un caractère et une capacité expressive bien étudiés.

Très bonne prestation du baryton ukrainien Vitaly Billy en Renato. Un phrasé de qualité et une expression dotée de toutes les nuances de la sollicitude a la colère pour ce rôle d’ami puis ennemi mortel qui semble savoir dominer ses émotions et en réalité se laisse dominer par ses défauts et ses pulsions aveugles.

Aimery Lefèvre convient parfaitement au rôle de Silvano le marin récompensé qu’il incarne avec force de persuasion, musicalité et un sens de l’humour naturel. Leonardo Neyva Neiva  comme Oleg Budaratskiy, Tom possèdent tous les atouts de jeunes solistes prometteurs. Voix amples et techniques vocales et musicales accomplies.

Amalthée

 

 

 

 



[1] Voir l’article d’août 2013 sur le site www.amalthee-ecrivain.info

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Hélène Cadouin
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