Ernani, de Verdi au Capitole de Toulouse
Musique et chants à l’honneur
De Victor Hugo dans les années suivant la Bataille d’Hernani, à la représentation de Ernani dont le livret signé Piave conquiert la Fenice de Venise (1844), la pièce bouscula l’opinion et les amateurs d’opéra
L’argument tient en peu de mots. Au cours des premières années de sa vie comme héritier d’Espagne set des États de Bourgogne (son père est Philippe le Beau) dont les Flandres celui qui est en lice pour recevoir la couronne du saint Empire romain germanique sous le nom de Charles Quint, est un coureur, grossier et impénitent de jupons. Obstination qu’il assène à tous et en particulier aux amants heureux comme Ernani auprès de Elvira. Don Gomez da Silva qui en est le tuteur refuse catégoriquement une telle solution. Elvira ne doit appartenir qu’à lui ! Ernani et Charles (Don Carlo) seront écarté par le fer ou tout autre moyen de dissuasion.
Le sujet sous jacent, pour ces hommes de 1840, fourmillant d'idées révolutionnaires, est de combattre l’autocratie privative de la liberté des personnes dans leur vie courante. Homme, femme ou peuple sont encore prisonniers de traditions, de mœurs ou de régimes contraignant dont les rênes sont entre les mains d’un seul. On montre dans Ernani, la vilenie d’un futur souverain qui dominera l’Europe de la Renaissance, la corruption de ses Électeurs [1]et de sombres modes de gouvernement politiques, religieux et civils ou sociaux-autocratique à bout de souffle- ce qui n’empêche pas le comité de la censure de la Fenice d’accepter livret et musique alors que l’Autriche est omniprésente en Italie dans ses années là.
L’opéra cependant n’est pas représenté très souvent. La difficulté peut être du style, l’héroïsme du ténor tient du ténor bel cantiste et déjà du futur ténor verdien que l’on entendra dans le Trouvère. Elvira également exige un soprano d’envergure à l’aigu solide et à l’espressione passionnée et intense. Quant à Da Sylva nul doute qu’il est le personnage le plus captivant par son caractère rébarbatif et cruel au delà de tout, caractère profondément ibère par comparaison au caractère déjà plus mixte de Charles né à Gand dans les Flandres.
Toulouse attendait donc la révélation de ce “Jeune Verdi“ ,mais force est de déplorer en premier lieu la mise en scène de Brigitte Jacques –Wajeman, les Décors et costumes ineptes d’E.Peduzzi – le tombeau de Charlemagne !? Et le voile de la mariée qui descend des cintres comme un champignon nucléaire !
En négligeant l’événement très caractéristiques de 1519 nous sommes privés d’une lecture évidente sur la corrélation des faits et la psychologie des personnages. Faire de Charles (Don Carlo) un porteur de groles noires, dignes du GIGN, futal, blouson et chemise assortis, et de da Silva un militaire gradé portant en n’importe quelle circonstance non pas la barrette des décorations, mais leurs ridicules médailles est confondant sur le plan culturel. Quant à Elvira, le rôle, la dame et sa configuration physique mériteraient une tenue à la coupe impeccable et non pas ces étoffes débraillées pour des robes fagotées qui ne la gênent.
Nous attendions Daniel Oren au pupitre et c’est Evan Rogister qui a pris l’orchestre et les chœurs en charge. Ainsi de nombreuses coupures dans la partition prévues déjà par Oren, on été maintenues. Nous sommes sortis du théâtre après deux heures de spectacle…c’est déjà ça !
Saluons avec enthousiasme les Chœurs du Capitole pour leurs chants absolument somptueux. Harmonie des timbres, attaques d’une justesse absolue ont donné toute sa valeur à cette lecture d’une œuvre où Verdi donne le maximum de présence dramatique aux rassemblements.
Le ténor Alfred Kim pour Ernani possède la tessiture du rôle, il maîtrise parfaitement sa vaillance, sa passion, comme sa tendresse est exprimée de façon naturelle et sincère. Il donne à ce rôle très vaillant une force convaincante qu’il parvient à affirmer malgré la mise en scène.
Elvira interprétée par la soprano américaine Tamara Wilson est d’une grande beauté vocale, ses aigus passent l’orchestre avec puissance, vaillance et son legato sans reproche lui permet d’exprimer ce personnage très nuancé, mais condamné d’avance. Ce qu’elle traduit parfaitement par une prosodie nuancée, pertinente, soignée et attentive.
Le baryton russe Vitalyy Billy a un peu manqué de couleur en Don Carlo. Mais le chant demeure très beau et prenant et sa scène de clémence lui réussit mieux que les passages violents qui précèdent.
Le meilleur de la distribution revient à Michele Pertusi en Don Ruy Gomez da Silva, personnage dont l’irréfragable conduite et la cruauté vengeresse détermine le destin de tous. Personnage tendu de haine et de souffrances, M.P impeccable sur le plan musical et l’expression, est capable d’assumer les variations d’humeur avec une maturité vocale aisée, ample et souple. Il campe cet homme d’âge dont tous les ressorts caractériels et la force physique demeurent inébranlables. Une leçon de théâtre et de chant car il domine son personnage au point de le faire sien. Michele Pertusi fait partie de ces artistes à la technique et au travail sans faille qui sont habité par leur art.
Le reste de la distribution est excellent ;
La direction d’orchestre pour un peu frappée qu’elle fut demeure efficace et puissante.
L’accompagnement des chanteurs compréhensifs ;
Une belle soirée, si l’on prend le soin de fermer les yeux souvent à cause de la mise en scène. Mais la dame était déjà venue pour Don Giovanni de Mozart il y a dix ans ! Et déjà ce ne fut pas le rêve !
Amalthée
[1] Charles Quint fut élus grâce à l’argent des Függer les banquiers allemands contre Henri VIII d’Angleterre et François 1er ( notre François )