Pour la première fois sur scène en France depuis plus d’un siècle :
Rienzi de Richard Wagner au Capitole de Toulouse
Il s’agit d’un événement de taille majeur .La représentation en scène du Rienzi à quelques mois du début des commémorations du bi centenaire de la naissance de Richard Wagner 1813-1883.
Le Festival de Bayreuth 2013 l’annonce dans le cadre du Festival, mais les représentations n’auront pas lieu sur la fameuse colline, mais dans une autre salle.
Il y eut au Châtelet en 2002 un concert très décevant au cours duquel seuls les auditeurs purent déceler les grandes lignes de l’œuvre, mais la distribution en était assez difficile.
Rien de tel à Toulouse .L’essentiel du grand intérêt de cette production est dans la distribution des chanteurs qui relève de l’idéal car nous devons garder présent à notre pensée le niveau de notre époque qui ne compte pas d’immenses chanteurs comme à l’âge d’or.
En rôle titre, Torsten Kerl jeune allemand qui déjà s’affirme hautement dans ce répertoire de helden ténor .Le timbre d’une jeunesse intrépide, franc, clair en couleur et cependant chaleureux .L’ambitus très ample et large, la puissance et l’énergie de la voix, les passages de registres insoupçonnables et d’entrée de jeu une harmonie totale du corps et de la voix qui impose le personnage. Fierté de l’émission, qualité irréprochable du sens prosodique et maîtrise absolue du souffle que l’on croit inépuisable, comme l’on se demande si ses aigus planant impérieusement au dessus de l’orchestre connaissent une limite. Son chant subjugue par sa qualité d’irradiante et de plus rien dans toute sa prestation ne laisse soupçonner qu’il fasse un effort ou surmonte une difficulté .Le chant est parfaitement musical et audible ,comblant l’attente de l’auditeur.
La mezzo soprano Daniela Sindram (superbe timbre doré et lumineux) entre dans le rôle travesti d’Adriano avec une force et une détermination magnifiques. Elle se révèle à nous comme digne d’un rôle aussi complexe et exigeant .Elle maîtrise parfaitement des écarts de tessitures absolument étourdissants sans perdre une once d’expression ni de musicalité et captive son auditoire par la puissance et l’énergie d’une prosodie souveraine. Elle domine sont rôle haut la main sur le plan scénique, bravant toutes les difficultés avec un naturel confondant.
Le rôle d’Irène étant tenu avec beaucoup de sensibilité et d’expression par Marika Shönberg qui cependant ne domine pas tout à fait sa partie. Les aigus par moment laissent entendre des problèmes de justesse et le timbre est assez nasillard.
Le reste de la distribution est d’un niveau international dont Richard Wiegold en Steffano Colonna, Stefan Heidemann en Orsini, Robert Bork excellent Cardinal Orvieto et Mark Heller en Baroncelli.
Les chœurs du Capitole et ceux de l’Academia teatro alla Scala de Milan, ont accompli leur partie ardue d’excellente manière donnant à chaque tableau un relief et une présence remarquables. Timbres bien assortis et harmonieusement disposés, le travail de souffle et d’attaque digne des meilleures équipes vocales en Europe .Leur ductilité et la souplesse de leur diction font merveille, la discipline et l’enthousiasme allant de pair et la magie de la scène opère sur eux au point que chacun est capable de conserver son allure et son caractère tout en se fondant à l’union de la représentation .Dans cette partition ils furent un fleurons majeur de cette réussite sans faille.
La direction d’orchestre assez raide, comme à l’accoutumée, de Pinchas Steinberg est efficace. Les chanteurs trouvant ici un partenaire de qualité, mais les nuances orchestrale et le côté grand lyrisme de la partition devient vite une course de vitesse surtout dans l’Ouverture si célèbre qui sonne bien, certes, mais ce n’est pas une interprétation inoubliable .Pourtant l’Orchestre du Capitole possède de très beau pupitres et l’œuvre est porteuse.
Rienzi ou le dernier des Tribuns se déroule à Rome alors que le pape est en exil en Avignon .Un article très détaillé joint au programme nous apprend la véritable histoire de ce garçon de la plèbe Nicolas Lorenzo qui après avoir étudié le droit devint notaire et puis légat de Rome rendant visite au pape Clément VI en Avignon.
Mais ce ne fut pas à cette source que s’abreuva le jeune compositeur R.Wagner en ces années 1835 à 1842, mais au roman de Edward Bulwer Lytton paru en Angleterre puis traduit en allemand.
Wagner est en voyage et à Paris il a rencontré Meyerbeer et Spontini dont le Ferdinand Cortez l’impressionna au plus haut point et qu’il considérait comme une grande œuvre. Cependant La Juive de Halevy eut sa faveur extrême.
Lui, encore inconnu mais déjà maître de l’orchestre à Würzbourg et à Riga dont il a dû fuir, est l’auteur de deux fables fantastiques Les Fées (jamais représenté du vivant du compositeur) et La défense d’aimer dont le lyrisme brillant est un hommage très pur au compositeur qu’il aima entre tous et dès son plus jeune âge Carl Maria von Weber l’auteur du Freischütz découvrit l’opéra français en cinq actes lui montrant un chemin qui faisait ses preuves. Il se dépêcha de ne suivre ce bel exemple que pour certains traits. étant entendu que sa première caractéristique fut et demeura d’être le librettiste de toutes ses créations.
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Rienzi est écrit alors qu’il se trouve en France, texte tout d’abord (1837-38) et musique (1838-1840). Mais l’opéra de Paris refuse de le représenter .Cependant Meyerbeer qui décèle chez Wagner un compositeur d’une étoffe peu commune lui donne une lettre de recommandation pour Dresde [1].Et le 20 Octobre 1842 Rienzi triomphe au théâtre de la Cour de Saxe qui dans un même élan a pris Wagner comme Chef d’orchestre.
Rienzi ne tint pas l’affiche du vivant de Wagner, mais nous savons que l’époque ne se préoccupait que de créer et non pas de reprendre.
L’histoire pour édifiante qu’elle soit met en présence le peuple de Rome et les factions nobles adverses Orsini et Colonna , le Cardinal Orvieto représentant le pape qui se trouve depuis 1309 en Avignon pour des motifs d’insécurité de la ville de Rome. Autre personnage de l’opéra un couple martyr des évènements celui de Irène la sœur de Rienzi qui aime et est aimée d’ Adriano Colonna.
La fin est tragique puisque les factions et la plèbe retournent à leurs querelles et la ville à nouveau dans sa détresse, le tribun Rienzi un moment porté à la gloire meurt dans les flammes du Capitole.
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La production de Toulouse est confiée à Jorge Lavelli, se déroule dans un décor incompréhensible et laid qui tient de la soute d’un cargo de marchandises et du garage pour camions citernes, si l’on se réfère à deux pneus fichés près des portes d’évacuation.
Les costumes de Francesco Zito ,en revanche revêtent pour la plupart des personnages une recherche assez soignée et judicieuse .Pour certains dont Irène affublée en permanence d’une robe du soir 1960 corrigée 2012, et Adriano (rôle travesti),costume de ville noir 1940 peu soigné la vision manque de cohérence car ils semblent s’être égarés ou évadés d’une autre œuvre .
Par chance celui de Rienzi est très réussi, avec aux deux derniers actes un haut d’armure de chevalerie sur son costume ample et passe partout d’un noir profond.
Pour la mise en scène il n’y a pas à hurler…La direction d’acteurs étant claire, les parties en présence sont à l’aise sur le plateau. N’oublions pas cependant que, les parties vocales étant d’une telle exigence , les chanteurs en présence, tous à la hauteur de la partition, ont plutôt à cœur de s’en tenir à la juste performance musicale et vocale.
Et Monsieur Lavelli a cela de bien, qu’il s’efforce de respecter le travail du chef et de ses interprètes.
Apparaissent et disparaissent posés sur des bancs échelonnés à la verticale, des frères franciscains en prière en fond de décors. Ce qui permettra une des bonnes scènes bien trouvées de la mise en scène au moment du Te deum (4°acte) .Scène au cours de laquelle la cathédrale est dessinée par une pluie sculptée en jets rideaux translucides d’un très bel effet.
La venue du tribun Rienzi sur scène sur son cheval blanc est une belle trouvaille, d’autant que le ténor Torsten Kerl se tient à la perfection et que le cheval bien dressé a noble allure.
La fin et l’incendie du Capitole romain se devinent à peine… Aucune impression n’en ressort. Rien de grandiose, ni d’effroyable dans ce fatras ! Des placards rouges en fond de plateau, Une espèce de tubulure cheminée géante dans laquelle on enfonce jusque sous les bras et place Rienzi, Irène et Adriano comme s’il fallait les faire cuire pour mourir.
Mais néanmoins la restitution de cette œuvre avec des interprètes à la hauteur des enjeux est d’une telle importance que le public a chaleureusement accueilli cette production. Pour un peu tirée par les cheveux qu’elle soit sur le plan de la mise en scène la prestation de Torsten Kerl et Daniela Sindram, la performance de l’Orchestre du Capitole et des Choeurs